les aventures de Moïse / 6. Moïse lave plus blanc (troisième partie)

 

A l’heure démocratique où les petits chefs de gôche et de drouate se fouillent et se trifouillent pour se trouver un surchef qui, dès que le top sera donné, tâchera de se faire nommer surchef en chef d’une bande de préhistoriques post cavernicoles, grands massacreurs de migrants et de lapins et bafouilleurs de marseillaise footballistique devant l’ «Éternel des armées», je continue mon petit bonhomme de chemin à travers la forêt des archétypes abrahamiques en lien direct avec la panade psycho socio économique dans laquelle l’homo sapiens-sapiens se débat actuellement.

De temps à autre monte, aux quatre coins de notre ronde planète une «indignation» dans laquelle nous nous jetons à corps perdus pendant au moins trois semaines. Et puis on retourne dormir. Les Chrétiens de l’an 000 eux aussi s’indignaient comme des fous. Et on vient de voir que cela ne les empêchait pas de se faire plus ou moins consciemment les continuateurs de pratiques discutables. Les banquiers chrétiens s’appliquaient scrupuleusement à respecter un cahier des charges directement hérité du système juif. Ils persistaient à faire de l’argent avec l’argent, à «donner à celui qui a» et à «ôter à celui qui n’a pas, même ce qu’il a », selon la volonté du Père. Sous peine de se voir jeter par le Fils «dans les ténèbres du dehors, où il y aurait des pleurs et des grincements de dents».

Les conseils d’administration d’ascendance «étrangère» qui s’en vinrent, au fil des générations, remplacer les Chrétiens juifs de souche aux commandes de la nouvelle filiale respectèrent leur prudence. Ils évitèrent sagement de suivre les Évangiles à la lettre concernant le mépris des biens de ce monde et l’égalité entre les hommes, préférant mettre en place une hiérarchie paramilitaire, vénale au possible, qui n’était pas sans rappeler les pires cauchemars des Esséniens.

Ainsi, vers la fin du 1er siècle, du fond de son Asie Mineure, un certain Ignace d’Antioche exigea des communautés chrétiennes leur soumission à l’«épiscope» «qui tient la place de Dieu lui-même». Exit le modèle collégial ou «église», du grec eklesia, «l’assemblée du peuple» dont avaient, un court instant, rêvé les premiers fans de Jésus. On gardait le mot, ça sonnait mieux que «conseil d’administration», on lui collait même une majuscule mais finie cette histoire d’«assemblée» ! Un président à vie, le “pape“, ferait mieux le boulot, aidé en cela par une bonne équipe de ministres lèche-pantoufles, les “cardinaux” qui, à leur tour nommeraient leurs propres cire-pompes, les “évêques” et cætera i tutti quanti, jusqu’aux “curés” et autres bedeaux descentes-de-lits et roule ma poule, les vaches chrétiennes seraient bien gardées.

Donc plus d’assemblée mais on conservait le concept de «peuple». Un nouveau «peuple élu» (1), appelé à croître et à multiplier dans des proportions mille fois plus conséquentes que le précédent puisque non soumis (2) aux critères génétiques juifs. En effet, le Nouveau Testament, contrairement à l’Ancien n’interdisait pas au Chrétien de «contracter un mariage» ni de «donner ses filles» ni de «prendre les filles» de qui que ce fût «pour ses fils». Du moins en théorie. En pratique, les “qui-que-ce-fût” étaient plus qu’encouragés à se mettre à la nouvelle lessive – pardon : à se faire “baptiser” – dans les plus brefs délais.

Et pas que pour se marier, camarades Juchrémans ! Le Moyen Orient des inoubliables «croisades», l’Amérique centrale et méridionale des «conquistadors» puis l’Amérique du Nord de Buffalo Bill, grand affameur de « Peaux-Rouges » en Jésus-Christ, sans parler, bien sûr, de l’Afrique des missionnaires et de leur position discutable à plus d’un titre, allaient, au cours des millénaires à venir, comprendre leur douleur si, par mégarde, ils oubliaient de se faire laver du péché originel par qui de droit.

«Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu»

Pourtant, au siège du Parti Monothéiste Libéral des années + 600, on n’était  pas tout à fait certain d’avoir fait le plein des suffrages «étrangers» dès le premier tour… En manière d’illustration, je vous propose un bref retour à la fiction pédagogique entamée deux chapitres en arrière.

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Etats-Unis d’Amérique / siège de la multinationale Procter & Gamble, année + 1967

– Gamble, tu dors ?

– Non, et toi Procter ?

-Non, puisque je te cause…

– Je suis bête. Donc ?

– Donc j’ai repensé aux résultats de notre dernière étude de marché et je me dis que la demande mondiale en machines à laver a encore fait un bond pas possible alors que nos ventes de lessive, Bonux et Dash réunis stagnent un tantinet…

– Je te vois venir, mon Procter ! Tu te dis qu’il serait peut être temps de sortir un nouveau label avant qu’Unilever nous broute l’herbe sous le pied !

– Tout juste ! J’ai même une idée sur l’angle d’attaque qu’il conviendrait d’adopter. Tu vas rire mais ces grands couillons de hippies et leur obsession de retour à la nature en sont à l’origine ! Notre prochain bébé – Ariel c’est un joli nom, tu trouves pas ? – se distinguerait des autres par sa formule entièrement BIOLOGIQUE !

– Qu’est-ce que t’entends par là, Procter ?

– Que dalle, c’est même un mot fait exprès pour ça. Mais je te rassure tout de suite : ça ne nous coûterait pas un rond. Comme d’hab’ on change une ou deux molécules mais on garde le même circuit de fabrication/ promotion/ distribution…

– Procter, je t’aime ! Et je sens que je vais aimer Ariel, la première lessive biologique du monde libre !

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1.11. «C’est aussi en lui que nous avons été élus, ayant été prédestinés suivant la résolution de celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté»

(2) année + 49 : Le concile de Jérusalem déclare les non-Juifs libres à l’égard de la loi mosaïque.

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