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Les aventures de Moïse / 10. Moïse pète sa crise ( suite et fin)

 

«…on voyait de l’or fondu s’écouler de sa bouche entrouverte.»
Ovide, Métamorphoses 11, 100-130

Aristote n’avait pas attendu Jung pour comprendre qu’ au mépris des lois de l’anatomie habituellement enseignées en fac de médecine, le talon d’Achille de l’homo sapiens-sapiens, c’était son cerveau.
Comme sa forme le suggère, notre cerveau est une éponge. Trempez le dans une savante mixture de péché originel aromatisé à la peur du lendemain – avec possibilité de rédemption si domination bien comprise et assumée sur l’ « étranger », source de tous nos maux – et vous obtenez, en permanence, des guerres territoriales à n’en plus finir et, ponctuellement, pour varier les plaisirs, comme c’est le cas aujourd’hui, des « crises  économiques”.

– Mais tout ça c’est la faute aux 35 heures ma pauvre dame ! Et à tous ces chômeurs professionnels qui nous plombent la Sécu!
– Quel égoïsme ! Non mais vous vous rendez compte ? En pleine Krise ! …Qu’on sait même pas d’où qu’elle nous arrive, la salope… Un peu comme le sida, je dirais…
– Y a de ça, oui…Alors si, pour couronner le trou les GPA nous abandonnent…
– Les GPA ?
– Les Gentils Prêteurs Anonymes ! C’est grâce à eux qu’on arrive encore à mettre un peu de blé dans nos épinards, comme disait si joliment Bernard Hinault…
– Ah ! Quel coureur c’était !
– Oui, et quel poète ! C’était le bon temps ! Y avait pas la Krise à l’époque !
– Putain de Krise !

Et si on le trempait dans un peu de bon sens, notre cerveau-éponge ?
Si, pour commencer, on arrêtait de dédier nos hymnes nationaux ( “God on our side aux USA, “God save the Queen en GB) à un dieu qui, en plus, sait que causer pognon. Et faire de la domination sur son voisin de palier le must de l’activité humaine. En entérinant sans risque le principe de l’égoïsme animal chez une espèce pourtant à même, si on veut bien lui en donner les moyens, de se transcender et donner le meilleur d’elle-même. Pour enfin passer au stade suivant de son évolution, bordel !
Dans la foulée, on s’aperçoit qu’une poignée de rigolos, de « croi-hi-hans », surtout en leur nombril, et se pensant tellement plus malins que les autres, nous ont embarqués sur une galère qu’ils se montrent, aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain, totalement incapables de mener à bon port. À moins de nous faire ramer comme des perdus pour leur sauver la mise, sans pour autant récupérer la nôtre ?
Heureusement que la « crise de la dette » qui préoccupe tant nos maquereaux au vin de messe et, accessoirement, expose l’homo sapiens-sapiens moyen à la misère aux siècles des siècles n’est qu’un fruit véreux de leur imagination morbide.
Primo parce que depuis le temps que dure – et s’accentue – le marasme économique qui nous accable, il ne répond plus aux définitions données par les dictionnaires au mot “crise”, parmi lesquelles on trouve : « changement subit », « manifestation soudaine », « accès bref et violent » etc…
Ensuite et surtout parce que, toujours selon les dictionnaires, le mot « dette » implique une notion d’« obligation morale » que la situation actuelle ne justifie aucunement. Au contraire ! Comment la victime d’une escroquerie peut-elle devoir quoi que ce soit à l’auteur de l’escroquerie en question ?

Prenons l’exemple d’une société « S » composée de 3 individus que nous appellerons « A », « B » et « C » (ça marche aussi avec 7 milliards mais il n’y a que 24 lettres dans l’alphabet). Au temps T1, basée sur le système aristotélicien de la production/consommation de biens et de services échangés par le biais d’une monnaie ne devant servir qu’à cet usage, l’économie de S roule comme sur des roulettes puisque A, B et C, disposant d’un budget mensuel moyen de x CN (CN = “Crottes de Nez”, la monnaie en vigueur en S), le dépensent dans son intégralité et selon les priorités de chacun (nourriture, logement, habillement, soins, plus quelques fantaisies sans lesquelles la vie serait bien morne)… J’ajoute que, en citoyens honnêtes et conscients de leurs devoirs envers les autres, A, B et C s’acquittent également de leurs impôts sur le revenu et leurs cotisations de retraite.
Hélas, au temps T2, ayant découvert en lisant la Torah, à moins que ce soit les Évangiles ou le Coran, qu’il y avait peut-être moyen de noyer son angoisse métaphysique dans la pratique assidue de la domination sur le voisin, B décide de se rationner pendant quelques temps …et de PRÊTER les CN ainsi mises de côté. C’est-à-dire de les VENDRE au prix de l’intérêt pratiqué.
Examinons les réactions en chaîne sur l’économie de S engendrées par cette conversion de B à la chrématistique vilipendée par ce cher Aristote. Dans l’ordre :
1) une chute des ventes correspondant au montant des CN détournés du circuit économique  – il apparaît évident qu’on ne peut pas à la fois « économiser » et acheter.
2) une baisse de la production dans les secteurs concernés par ladite chute donc une menace sur l’emploi dans ces secteurs.
3) l’impossibilité pour A ou C, ou les deux, contraints au chômage, d’acheter, savoir : tenir leur place dans le circuit production/consommation, ni de payer autant d’impôts/cotisations diverses qu’avant les tripatouillages de B, malgré les emprunts à eux « consentis » (quelle dérision !) par ce dernier.
Ce qui, lentement mais sûrement, nous transporte au temps T3, le nôtre, où, sous couvert de rendre service, B et ses émules dévorent à belles dents les budgets «souverains » de nos post modernes nations préhistoriques consentantes.
J’ai récemment entendu sur France Culture un crétin tellement cultivé qu’il a lâché sans rire qu’un état africain dont je n’ai pas retenu le nom, tellement ma sidération était grande, était « entré dans la modernité  dans la mesure où il pouvait commencer à …emprunter”!!!

Des questions susceptibles d’humecter notre cerveau-éponge, il y en a plein d’autres.
Quelques unes au hasard :
– Et si, plus nos Gentils Prêteurs Anonymes se sacrifiaient pour nous faciliter l’accès aux rivages radieux du bonheur à crédit, plus on s’enfonçait dans le caca ?
– Et d’abord pourquoi sont-ils anonymes, tous ces bienfaiteurs de la société ? Pourquoi se cachent-ils derrière des appellations comme « banques », « marchés », « fonds de pension»? De deux choses l’une : soit leur sens de la charité est tel que leur sacrifice altruiste ne souffre pas le moindre remerciement nominatif, soit derrière ces termes génériques se profilent, comme je l’ai déjà dit et répété, une belle brochette d’escrocs endimanchés dont la devise se rapproche du « pour vivre heureux vivons cachés » du neveu par alliance de Voltaire, Jean-Pierre Claris de Florian, né près de Sauve à Logrian, le 6 mars 1755 (sic).
– Une autre question est : jusques à quand va-t-on laisser ces fripouilles continuer à miner un circuit économique qui, si on s’en tient aux cogitations du grand Aristote, a TOUT À PERDRE à faire de sa monnaie un produit monnayable comme un autre ? Tout, tout tout.
Pour nous en convaincre, Aristote, citant Ovide, nous remémore la mésaventure d’un certain Midas, roi de son état, qui, ayant sauvé la vie du fils de Bacchus, reçut de ce dernier le droit de formuler un vœu que le dieu s’empressa d’exaucer : désormais tout ce que Midas toucherait serait aussitôt transformé en or.  Dans un premier temps, Midas fut ravi de ce pouvoir merveilleux mais ne tarda pas à déchanter. Et pour cause ! Même les aliments qu’il portait à sa bouche prenaient la consistance du fabuleux métal. Si Bacchus, bon zigue, n’avait pas accepté de reprendre le pouvoir qu’il avait octroyé au roi peu avisé, Midas serait mort de faim.
En d’autres termes, un champ de pognon, aussi habilement cultivé soit-il et, de ce côté-là, on peut faire confiance à la SARL Abraham & Fils, n’a jamais nourri son homo sapiens-sapiens. Le commerce de l’argent, éminemment lucratif pour ceux qui s’y livrent, ne produit aucun bien susceptible de répondre aux besoins fondamentaux de l’espèce humaine.
Le pauvre Aristote s’arracherait les cheveux jusqu’au dernier s’il apprenait que, ces trente dernières années, la masse des biens réels n’a que quadruplé alors que la masse monétaire s’est multipliée par quarante. Je ne sais pas pour la vôtre mais, au cours des trois dernières décennies, la « masse monétaire » dont je dispose, en personne et personnellement, loin de se multiplier par quarante, aurait plutôt eu tendance à se diviser.  Les choses en iraient différemment si j’étais actionnaire d’une banque ou d’un fonds de pension …
Et c’est bien là le problème. Non seulement les GPA, dont le seul effort est de tourner en rond dans leur bulle autistique en ramassant un peu plus à chaque tour, ne participent en rien à la création de nouvelles richesses pourtant indispensables à la survie de la planète mais la quantité de monnaie ainsi accumulée leur permet de faire main basse sur les richesses existantes (métaux nécessaires à l’industrie, semences pour l’agriculture, sources d’énergie, EAU…) pour les revendre ensuite (à crédit, si possible !) 10, 20 ou 30% plus cher.

Et tranquillement conduire le monde à la famine.

Merci Moïse.

(à suivre : Moïse, ministre de l’Éducation Nationale )

Les aventures de Moïse / 9. Moïse pète sa crise (deuxième partie)

 

Il est tout de même étonnant de constater que l’équipe de bipèdes la plus sollicitée par l’actualité de ces dernières années en vue de soustraire Talbin aux lois de la pesanteur, la «race» (si vous ne me croyez pas demandez à Henri Graetz !) (1) la plus actuellement stigmatisée pour sa malhonnêteté – on leur prête des sous et ils veulent même pas rembourser, ces espèces de sodomites ! – les «pouilleux» du jour, c’est qui ? Je vous le prête en mille à 5,4 %,….ce sont les… Les descendants d’ ARISTOTE !!!

– Non?
– Si !  Le Grec Aristote soi-même !!! Le juste pourfendeur de l’aberration chrématistique (de khréma, la richesse, la possession) : la manie de faire de l’argent avec l’argent…Il disait que c’était «une activité contre nature et qui déshumanise ceux qui s’y livrent»…
– Il avait pas lu le Pentatruc alors ?
– Ben non vu que le Pentatruc, il était à peine fini d’imprimer… Non, camarades Juchrémans, Aristote c’était plutôt genre Les Six Clopes de la mère Cure ou Œdipe Purple et les slips Athéna contre l’Olympiakos du Pirée…Heu, enfin, des noms à coucher dehors comme ça…en tous cas une chose est certaine: il n’était pas juif ni ne présentait la moindre disposition à se faire chrétien ou musulman…
Pour lui,  Platon et quelques autres «étrangers» qui n’avaient pas encore reçu le catalogue Abraham & Fils, il n’était pas question de confondre la fin et les moyens. Si on avait écouté ces non-élus, Talbin n’aurait pas eu un jour à encourir les affres de l’obésité ni du diabète ni du cholestérol. Il aurait continué à faire son boulot d’âne. Bien gentiment. Allant où on lui disait d’aller et pas le contraire. Et surtout il ne nous aurait jamais obligés à le porter.

A en croire les ancêtres de nos losers en charentaises à pompons, pour qu’une économie tourne bien il est justifié d’établir une échelle de mesure – en l’occurrence l’argent – rendant possible «l’échange des valeurs d’usage en vue de satisfaire la vie».
De sorte que l’accumulation de ce simple médium transactionnel – «bagatelle et pure convention légale, sans fondement dans la nature, puisqu’un changement de convention parmi ceux qui s’en servent lui ôte toute valeur»(2) – ne doit en aucun cas devenir un objectif.
Aux antipodes de la pensée abrahamique, Aristote nous explique que l’argent n’est pas une marchandise comme les autres. Ni une marchandise tout court. C’est aller contre la nature même de l’argent que chercher à en vendre ou en acheter.
Je ne me sens pas plus grec que ça mais les résidus de vagues traces d’instinct de survie qui me remontent parfois comme un rot de bébé, me communiquent, en ces heures incertaines, le sentiment désagréable d’avoir été roulé dans la féta.

Alors les homo sapiens-sapiens, ou ce qu’il en reste, qu’est-ce qu’on fait ?
On se trimbale ce gros sac de chardons fermentés de Talbin aux siècles des siècles sous prétexte qu’il a été inventé par le Grand Prêteur/Dominateur de l’Univers Entier ? Pourquoi pas, après tout ?

Retour à la fiction pédagogique :

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Suite du discours du boss en vue de faire construire une charrette pour transporter son âne:
« …Bipèdes, bipèdes ! Les autres bosses et moi-même avons pigé plein de trucs entre les dernières augmentations d’impôt et celles qui arrivent. Entre autres que c’est parce qu’il y a de plus en plus de pauvres que les riches sont de moins en moins nombreux et de plus en plus riches  alors si les pauvres voulaient bien faire preuve de compréhension et laisser leurs slips sur le comptoir, nos hôtesses feront le tri, merci à tous et bon chômage ! Ah ! J’allais oublier… Pour Talbin, je pense que le mieux, à moins de vouloir que, privée de son seul point de repère, notre civilisation s’effondre comme un chapeau de carpe, c’est de lui bricoler son carrosse vite fait. Pourquoi-parce-que quand on croît pas on décroît et chacun se doit de porter la sienne. C’est pas simple je sais même si moi, bien sûr, j’ai compris tout ça depuis longtemps vu que je suis hyper intelligent, hein Brizitte ? Sauf que, comme j’ai pas que ça à faire de toujours tout vous expliquer, je vous ai amené des potes qui swinguent pas mal non plus. On les voit sur toutes les télés en ce moment…. À vous les Écononos !

Chœur des Éconofumistes :
« Surgie des profondeurs de l’immense l’Univers
Pareille à la Comète qui effrayait nos Pères
Juste rétribution de nos péchés infâmes
Fondant sur nos enfants, nos chats, nos chiens, nos femmes,
Fléau dévastateur qui vide les frigos
Dépouille les mamies de leurs maigres lingots,
Ton nom, qu’il soit maudit, est sur toutes les lèvres
Redouté, obsédant jusqu’à nous rendre chèvres,
Matin, midi et soir, tu es notre hantise !

Ô Toua Crise ! »

…C’est pas moi qui le dis, hein, les Cèlzéceux ? Ce sont les Écononos  ! Et ils sont allés aux écoles, les Écononos ! Et à la synagogue ! Et à l’église ! Et à la mosquée ! C’est pour ça qu’il faut bien les écouter, les Écononos et se retrousser les manches pour bien rembourser tout ce qu’on doit à qui on le doit, en personne et personnellement :

«T’as fait des dettes(3) Odette
Tu tiens mal ta maison
T’as fait des dettes, Odette
Tu iras-z- en prison»

“...Mais surtout, en tant qu’encartés d’une nation souveraine et, je vous le demande, que  serait-elle si elle n’était pas souveraine, notre belle nation ? Hein ? Pourquoi-parce-que et toutes ces sortes de choses et c’est l’heure du biberon du petit-fils, en tout cas, pour Talbin, j’ai bien peur que vous n’ayez pas le choix, ni dans la date ni nulle part à moins que vous n’ayez choisi de nous mettre la honte, à Brizitte et à moi, d’être la première dame et le boss d’une bande de voleurs, ce qui ne serait pas très sympa, venant de cèlzéceux pour lesquelzéelles Brizitte et moi on a sacrifié notre jeunesse, enfin moi surtout…»

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Pour en revenir à la vraie vie et avec tout le respect dû à Moïse, à Jésus, à Muhammad, au boss, à son âne et sa fine équipe de savants de Marseille ou d’ailleurs, je me demande s’il n’y aurait pas une autre façon de considérer les choses…

(1) «La race latine n’a produit et donné au monde qu’une police bien organisée et une bonne tactique. Seuls, les Grecs et les Hébreux ont fondé la véritable civilisation »
Henri Graetz, Histoire des Juifs (Introduction)

(2) Aristote, les Economiques

(3) En allemand, le mot “schuld” ne signifie pas seulement dette, mais aussi “faute”.

 

(à suivre : Moïse pète sa crise (suite et fin))

Les aventures de Moïse / 8. Moïse pète sa crise (première partie)

 

«Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change.»
Henri Laborit, Mon oncle d’Amérique

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, on va commencer par une nouvelle fiction à visée pédagogique.

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Il marchait d’un bon pas. Assez lent pour que ses yeux puissent profiter du magnifique paysage sans cesse renouvelé, assez rapide pour qu’il n’ait pas le temps de s’en lasser.
Un jour, au détour d’une chênaie, il rencontra un âne. Un âne qui parlait.
– Ô fier bipède, tu m’as fait peur ! C’est que je ne m’attendais pas à te voir passer par ici. À moins que tu aies délibérément choisi de rallonger ta course ! Il est vrai que le paysage est magnifique de ce côté de la forêt…
– Pardon, noble baudet», rétorqua le marcheur, «… qu’entends-tu par «rallonger ma course» ? Saurais-tu donc où je me rends ? Parce que moi, je n’en ai pas la moindre idée…
– Talbin – c’est mon nom – sait tout ! Il sait également que tu parviendrais à destination bien plus vite si tu montais sur son dos ! Voici ce que je propose : je te conduis sain et sauf là où tu dois aller et, en échange, tu me ramasses ma ration de chardons quotidienne ? J’ai du mal à me pencher avec ma sciatique…
– C’est tout ?
– C’est tout.

Au début l’ex-marcheur n’avait vu que des avantages à sa nouvelle situation. Il se trouvait fière allure, perché sur sa monture, se trouvait beau garçon, juché sur son ânon. Il n’avait de cesse de se la péter auprès des Autres. Il appelait ainsi la bande de bipèdes hirsutes qui avançaient dans le même sens que lui, sans savoir vers quoi exactement, comme lui avant sa rencontre avec Talbin.  A propos il n’était pas loin de midi et il fallait qu’il se dépêche de cueillir le …ouille ! ça piquait, cette saloperie !… repas de son sauveur. Les années avaient passé et la sciatique de ce dernier ne montrait aucun signe de guérison.

Bien au contraire. Ainsi, un soir au bivouac :

– Euh, dis-donc fier bipède…En attendant que ça s’arrange pour mon dos, je me demandais si tu ne pourrais pas, temporairement, redevenir piéton… Temporairement, j’insiste… Ça me permettrait de guérir plus vite… On y gagnerait tous les deux, non ?
– Je vois, fidèle Talbin. Je devine ce qu’il t’en coûte de me faire ainsi part de ton impuissance – toute provisoire, j’en suis persuadé moi aussi – à assumer ta part du deal. Eh bien, ne serait-ce que, eu égard au sens que ta présence a donné à mon existence futile, je ne serai point celui qui, par un égoïsme coupable, osera continuer à ajouter le fardeau de sa pesante personne à …
– Cool ! Et …euh, je veux dire.. pour mes chardons, on change rien, d’accord ?

De ce jour, donc, on vit l’âne et l’ex ex-marcheur cheminer de concert. Les Autres, constatant que leur leader (après toute son intox de vendeur de savonnettes on avait fini par accepter de l’appeler “patron”), une fois redescendu de son âne ne pouvait plus leur chier dessus, à moins de sauter sans arrêt comme un marsupial, commençaient à se livrer à des associations d’idées impliquant des rapports de causalité post cavernicoles desquels il pourrait ressortir, en quelque sorte et sans préjuger de l’avenir que «c’est celui qui monte l’âne qui est le boss mais que si le boss marche derrière l’âne, même à quatre pattes pour ramasser les chardons de sa bouffe, nettoyer ses merdes et prendre un coup de queue en se relevant, c’est quand même le boss, sinon ça dégoûterait tout le monde de vouloir être le boss et la civilisation courrait à sa perte et belle soirée à v….»

– Hé ! Fier bipède ! Tu peux baisser un peu la radio ? Je ne m’entends plus ruminer.
– Mon pauvre Talbin ! Excuse-moi ! C’est qu’avec les cris que je pousse en me piquant à ces salop …délicieux chardons dont tu aimes à te sustenter si chichement, je n’arrive pas bien à entendre les tendances à la Bourse de Paris.

Si Talbin ne s’entendait pas ruminer, il ne se voyait pas grossir non plus. En déficit d’exercice physique depuis qu’il n’avait plus personne à trimbaler,  il aurait dû se peser plus souvent. Précaution salutaire qui lui eût épargné le constat brutal auquel il fallut bien qu’il se résolve un matin : son obésité avait fini par franchir les limites du supportable pour ses jarrets sous-entraînés.
Ce que voyant, le boss réunit en toute hâte les docteurs en ânerie les plus pointus des temps pré-modernes. Après une auscultation approfondie du malheureux équidé, les savants déclarèrent qu’en attendant que ce dernier trouve en lui la force héroïque de commencer à envisager l’éventualité d’une réduction hyper progressive de sa consommation de chardons, il était urgemment indispensable de se mettre à la construction d’une charrette à bord de laquelle le malade puisse être hissé afin de continuer à conduire la civilisation vers un salut dont lui seul connaissait les coordonnées.

Extrait du discours du boss en vue de la construction d’une charrette pour transporter son âne :

«Bipèdes, bipèdes !

Contrairement à cèlzéceux qui n’ont pas compris que, faute d’être remboursés au triple de ce qu’ils ont eu l’altruisme quasi suicidaire de prêter, les riches risquaient de s’appauvrir alors que les pauvres resteraient pareils, ce qui, démocratiquement parlant, constitue une anticonstitutionalité somme toute préjudiciable en termes de croissance au beurre puisque relevant d’un concept à investiguer au plus vite mais sans précipitation malsaine pourquoi parce que et je vais vous le dire j’ai pris l’indécision inaliénable et sacrée de “make ze galaxy great again”  en commençant par la débarrasser de tous les infidèles qui vont jusqu’à douter de la laïcité de Dieu… »

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Tout le monde n’a pas le génie des évangélistes des commissions et, au cas où, conséquence d’une pensée brouillonne alliée à une expression désespérément lourdaude, ma parabole de l’ «âne enfumeur» s’en allait ne point atteindre le but que je me suis fixé dans ces “Aventures de Moïse”, le voici une fois encore exposé en caractères gras, ce but : mettre au jour la relation étroite entre le principe abrahamique de la domination des uns sur les autres (en général et par le biais de l’argent en particulier) tel que revendiqué par Moïse dans ses pense-bêtes à l’intention de peuples élus de force et le mal de vivre d’une espèce prise en otage par ses craintes existentielles.

Talbin, comme son nom en témoigne, représente l’accumulation de richesses par définition fictives, résultat navrant de pratiques commerciales pseudo-sacrées, d’héritages claniques crainteux bénis par des escrocs passés maîtres dans la pratique du chantage au paradis-perdu-retrouvable-sous-condition, cette condition étant justement la croyance, à genoux, à plat ventre, ou cul par-dessus tête, en la nécessité de rouler son voisin dans la farine avant qu’il vous transforme en escalope milanaise le premier.
Les instances mosaïques (rabbins, papes, imams), à l’instar de tous les chefs d’entreprises de mise-en-danger-de-celui-qui-ne-sait-pas-par-celui-qui-prétend-savoir-sans-avoir-à-le-prouver, c’est-à-dire tous les consortiums pourvoyeurs de superstitions rétrogrades reposant sur rien d’autre que notre peur de mourir, savoir, en gros, toutes les superstitionsj’ai, étymologiquement, un mal fou à parler de « religions » – n’ont aucune envie d’orienter en douceur nos «systèmes associatifs»(1) vers l’abandon de leur fonds de commerce juteux. Savoir, un comportement animal qui, une fois l’homo sapiens-sapiens enfin extirpé de sa caverne glaciale cernée par les prédateurs, n’a plus lieu d’être.
Au contraire ! Pour nous faire ingurgiter jusqu’à la lie notre soupe archétypale mortifère quotidienne, les sommités juchrémanes s’appuient sur toutes les paranos possibles et imaginables enfouies dans les circonvolutions mollassonnes de notre bon vieux cerveau reptilien :
«Chez l’homme, ce cerveau serait principalement responsable de certains comportements primaires comme la haine, la peur, l’hostilité à l’égard de celui qui n’appartient pas au même groupe que soi, l’instinct de survie, la territorialité, le respect de la hiérarchie sociale, le besoin de vivre en groupe, la confiance dans un leader, etc.» (2)
…Et hop ! En moins de siècles qu’il en faut pour le dire, cela donne le spectacle consternant et ô combien actuel d’une pré-humanité lobotomisée à souhait, au point de se laisser persuader qu’elle est perdue dans le désert de sa peur ontologique sans un argent/âne confit dans son gras, désormais incapable d’avancer par ses propres moyens vers un futur dont il a depuis toujours choisi d’ignorer l’existence.

 

(1) Henri Laborit est un grand de chez grand, lisez-le, chantez-le, apprenez-le par cœur !
« Beaucoup d’entre nous mourront ainsi sans jamais être nés à leur humanité, ayant confiné leurs systèmes associatifs à l’innovation marchande, en couvrant de mots la nudité simpliste de leur inconscient dominateur »
Henri Laborit,  Mon Oncle d’Amérique

(2) source Wikipédia
(à suivre : Moïse pète sa crise (deuxième partie) )

Les aventures de Moïse / 7. Moïse lave plus blanc (suite et fin)

 

Genèse 16.15 : «Agar enfanta un fils à Abram ; et Abram donna le nom d’Ismaël au fils qu’Agar lui enfanta

Non ce n’est pas une coquille. Du temps où, inspiré par Yahweh et avec l’accord de son épouse “Saraï ” – ce n’est pas une coquille non plus – qui semblait ne pas pouvoir enfanter, Abraham, avait eu recours à une mère porteuse, Agar, servante de Saraï, pour engendrer son premier fils, il s’appelait encore «Abram». Ismaël avait déjà 13 ans lorsque, ayant pris soin de circoncire père et fils, l’ Éternel changea l’état civil d’ “Abram” en  “Abraham”  et celui de  “Saraï”  en  “Sara“. Mais surtout, dans la foulée et malgré l’âge fort avancé de la dame, il autorisa enfin celle-ci à donner à son mari un deuxième fils: Isaac.

Décidément, même en orthographe, les voies du Seigneur etc… Nous retiendrons cependant que :

1/ Ismaël est l’aîné des fistons d’Abraham MAIS pondu hors mariage.  Un bâtard conçu avec une servante non juive, égyptienne, pour être précis.

2/ Isaac est le fruit légitime de l’union entre Sara et Abraham MAIS le cadet d’Abraham, sinon celui de ses soucis.

Parce que c’est là où le bât blesse entre Juifs (lignée Isaac) et Musulmans (lignée Ismaël) (1). Sauf qu’à ce stade des opérations l’Islam n’existe pas encore. Ce n’est que 1280 ans plus tard que Muhammad, expert-comptable de son état (2) va revendiquer la suprématie de sa filiale toute fraîche au sein de la SARL Abraham & Fils. Au point de faire d’Ismaël, contrairement à ce que racontent ces fieffés menteurs de Juifs,  le fils que Dieu demande à Abraham de lui sacrifier :

Coran, Sourate 37:102 Les rangés (As-Saffat) :

«Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, [Abraham] dit : « Ô mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler. Vois donc ce que tu en penses ». (Ismaël) dit : « Ô mon cher père, fais ce qui t’es commandé : tu me trouveras, s’il plaît à Dieu, du nombre des endurants ».»

Quelques mots sur les populations arabes, souvent nomades (3) que Muhammad va s’attacher à convaincre de leur appartenance à la tradition biblique:

« Les Arabes font leur première apparition dans l’histoire en 854 avant Jésus-Christ : l’arabe Gindibu soutint Bin Idri de Damas (le Ben Hadad II de la Bible) en lui amenant mille chameliers du pays d’Aribi à l’occasion de la bataille de Qargar[…] Peut-être le camp de Gindibu était-il situé au sud-est de Damas. Il est certain que les éléments bédouins de la péninsule arabique – qu’on appelait probablement indifféremment Aram, Eber ou Haribu – devaient être installés à l’origine, dans la région qui s’étend entre la Syrie et la Mésopotamie et qui fut, avec la Syrie le berceau le plus ancien des Sémites.» (4)

Sur leur positionnement en matière religieuse, Maxime de Tyr (philosophe grec du 2ème siècle) rapporte, dans ses Dissertations, que «les Arabes adorent aussi, mais je ne sais quoi. Quant à l’objet sensible de leurs adorations, je l’ai vu, c’est une pierre quadrangulaire.»

C’est  donc aux descendants de ces braves gens qui ne demandent  rien à personne que, comme Jésus et les premiers Chrétiens 600 ans auparavant à d’autres braves gens qui ne leur demandaient rien non plus, Muhammad proclame son intention de  redonner à la SARL Abraham & Fils toute la crédibilité que ses précédents administrateurs, par leurs excès, dépravations et autres errances lui ont fait perdre :

Coran, [5:66] La table servie (Al-Maidah) :

«S’ils avaient appliqué la Thora et l’ Évangile et ce qui est descendu sur eux de la part de leur Seigneur, ils auraient certainement joui de ce qui est au-dessus d’eux et de ce qui est sous leurs pieds. Il y a parmi eux un groupe qui agit avec droiture; mais pour beaucoup d’entre eux, comme est mauvais ce qu’ils font !»

Pourtant, dans les faits, la troisième et dernière mouture à ce jour de l’entreprise abrahamique de récupération de la Grande Peur du Néant Ontologique, ne se distingue des deux premières que par une seule trouvaille : l’interdiction du «riba» ou «usure» ou encore (au bénéfice du doute sémantique) : “prêt à intérêt” .

Coran, Sourate II, versets 278 et 279.

«Ô croyants! Craignez Dieu; et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire, si vous êtes croyants.
Et si vous ne le faites pas, alors recevez l’annonce d’une guerre de la part de Dieu et de Son messager.
Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés.
Pour l’observateur impartial, force est d’admettre que cette tentative d’assainir le monde de la finance, tentative louable (autant qu’étrangement schizophrénique dans la mesure où, nous l’avons vu, le monde de la finance repose sur le principe divin de l’arnaque de son prochain, «étranger» tant qu’à faire) n’a eu que de très modestes retombées sur le comportement des Musulmans dans le domaine de l’enrichissement personnel. A cela on peut avancer au moins deux explications.

La formulation même du verset – «et si vous vous repentez vous aurez vos capitaux» – nous indique que le Coran s’inscrit dans une culture de type capitaliste qui n’a rien à remontrer à celle des Juifs ou des Chrétiens. Ainsi la sourate 4, (An-Nisa) est presque entièrement consacrée au respect dû à la notion d’héritage et recommande à ce propos de ne pas mettre en cause les inégalités qui en découlent :

32. «Ne convoitez pas ce que Dieu a attribué aux uns d’entre vous plus qu’aux autres»

Certes, le Coran, imitant en cela l’Ancien et le Nouveau Testament, ne manque pas de vilipender l’impiété détestable des riches, à qui il est répété que ce ne sont pas leurs possessions terrestres qui leur feront gagner le royaume des cieux. Toutefois et qu’on se le dise, il n’est pas question pour les Musulmans de douter du bien-fondé du clivage dominant/dominé, à la condition expresse que le dominant reconnaisse à son tour son statut de subalterne du Tout Puissant.

Une autre raison, d’ordre technique cette fois, de la quasi absence d’effet de l’interdit du prêt à intérêt sur la société musulmane est à rechercher dans la propension remarquable des ulémas (ou «docteurs de la Loi») à inventer mille et un stratagèmes (hiyals), absolument légaux bien sûr, pour lire dans le Coran des choses qui n’y sont point écrites.

Dans la série « l’hôpital se moque de la charité » le «penseur» (et parieur invétéré) chrétien Blaise Pascal, s’amuse  à donner un exemple de ces «contournements» de la Loi coranique:

«Je vends ce livre 120 payables dans un an, je le rachète immédiatement pour 100 payables tout de suite. Donc je garde mon livre, donne 100 et reçoit 120 dans un an.»(5)

Blaise veut-il parler du « Mourabaha » , ou « financement commercial avec marge bénéficiaire»?

«La banque acquiert une marchandise pour le compte de son client, moyennant une marge bénéficiaire fixée à la signature du contrat. La banque transfère la propriété de la marchandise à son client une fois qu’il a payé le prix de celle-ci ainsi que la marge fixée à la signature. Ce type de contrat diffère du prêt à intérêt car la marge est fixe et n’augmente pas avec le délai de paiement.»(6)

J’ai comme la vague impression qu’on joue là sur les mots et en terminerai avec le cahier des charges de notre nouvelle filiale abrahamique en citant quelques hadiths de la sunna, autre spécificité musulmane prétendant rapporter les dires du Prophète (qui avait, lui même, commencé dans la vie en tant que négociant en bétail):

«Le marchand sincère et de confiance sera (au jour du Jugement) parmi les prophètes, les justes et les martyrs»,

«Le marchand de confiance sera assis à l’ombre du trône de Dieu au jour du Jugement»

…ou encore :

«Les marchands sont les courriers de ce monde et les curateurs fidèles de Dieu sur la terre»(7)

Après les banquiers de Jésus, les marchands de Muhammad. En vérité, je vous le dis, hors la finance, point de salut pour un Juchréman sincère.

 

(1) Les douze fils d’Ismaël dont il est fait mention dans la Bible ont été repris par la tradition musulmane. Il est dit que deux d’entre eux s’établirent à La Mecque, où ils fixèrent leur demeure, savoir : Nebajoth et Kédar. Kédar est l’ancêtre des Quraychites, la tribu de Muhammad.

(2) au service de Khadija, une riche veuve à la tête d’un commerce caravanier, qu’il finit par épouser . (ibn Habîb al-Baghdâdî (m.245), Muhabbar p. 79. Haydarabad. / al-Balâdhurî (m.279),Ansâb’al achrâf tome I paragraphe 177 Caire 1959.)…avant quatorze autres, dont l’une avait six ans quand il l’épousa. (Tabari, op. cit., vol. II, « Mohamed, sceau des prophètes », p. 327)

(3) Hommes voilés et femmes libres : les Touareg, par Marcel Baudin, publié par L’Harmattan.

(4) Marc Bergé, Les Arabes, p. 20.

(5) Blaise Pascal, Les Provinciales (la huitième) (1657)

(6) cf Ismail, Muhammed Imran (2010)
Ph.D. thesis, University of Birmingham.)

(7) Rodinson, Maxime, Islam et capitalisme, 1966, Paris, Seuil p33

 

(à suivre: Moïse pète sa crise)

les aventures de Moïse / 6. Moïse lave plus blanc (troisième partie)

 

A l’heure démocratique où les petits chefs de gôche et de drouate se fouillent et se trifouillent pour se trouver un surchef qui, dès que le top sera donné, tâchera de se faire nommer surchef en chef d’une bande de préhistoriques post cavernicoles, grands massacreurs de migrants et de lapins et bafouilleurs de marseillaise footballistique devant l’ «Éternel des armées», je continue mon petit bonhomme de chemin à travers la forêt des archétypes abrahamiques en lien direct avec la panade psycho socio économique dans laquelle l’homo sapiens-sapiens se débat actuellement.

De temps à autre monte, aux quatre coins de notre ronde planète une «indignation» dans laquelle nous nous jetons à corps perdus pendant au moins trois semaines. Et puis on retourne dormir. Les Chrétiens de l’an 000 eux aussi s’indignaient comme des fous. Et on vient de voir que cela ne les empêchait pas de se faire plus ou moins consciemment les continuateurs de pratiques discutables. Les banquiers chrétiens s’appliquaient scrupuleusement à respecter un cahier des charges directement hérité du système juif. Ils persistaient à faire de l’argent avec l’argent, à «donner à celui qui a» et à «ôter à celui qui n’a pas, même ce qu’il a », selon la volonté du Père. Sous peine de se voir jeter par le Fils «dans les ténèbres du dehors, où il y aurait des pleurs et des grincements de dents».

Les conseils d’administration d’ascendance «étrangère» qui s’en vinrent, au fil des générations, remplacer les Chrétiens juifs de souche aux commandes de la nouvelle filiale respectèrent leur prudence. Ils évitèrent sagement de suivre les Évangiles à la lettre concernant le mépris des biens de ce monde et l’égalité entre les hommes, préférant mettre en place une hiérarchie paramilitaire, vénale au possible, qui n’était pas sans rappeler les pires cauchemars des Esséniens.

Ainsi, vers la fin du 1er siècle, du fond de son Asie Mineure, un certain Ignace d’Antioche exigea des communautés chrétiennes leur soumission à l’«épiscope» «qui tient la place de Dieu lui-même». Exit le modèle collégial ou «église», du grec eklesia, «l’assemblée du peuple» dont avaient, un court instant, rêvé les premiers fans de Jésus. On gardait le mot, ça sonnait mieux que «conseil d’administration», on lui collait même une majuscule mais finie cette histoire d’«assemblée» ! Un président à vie, le “pape“, ferait mieux le boulot, aidé en cela par une bonne équipe de ministres lèche-pantoufles, les “cardinaux” qui, à leur tour nommeraient leurs propres cire-pompes, les “évêques” et cætera i tutti quanti, jusqu’aux “curés” et autres bedeaux descentes-de-lits et roule ma poule, les vaches chrétiennes seraient bien gardées.

Donc plus d’assemblée mais on conservait le concept de «peuple». Un nouveau «peuple élu» (1), appelé à croître et à multiplier dans des proportions mille fois plus conséquentes que le précédent puisque non soumis (2) aux critères génétiques juifs. En effet, le Nouveau Testament, contrairement à l’Ancien n’interdisait pas au Chrétien de «contracter un mariage» ni de «donner ses filles» ni de «prendre les filles» de qui que ce fût «pour ses fils». Du moins en théorie. En pratique, les “qui-que-ce-fût” étaient plus qu’encouragés à se mettre à la nouvelle lessive – pardon : à se faire “baptiser” – dans les plus brefs délais.

Et pas que pour se marier, camarades Juchrémans ! Le Moyen Orient des inoubliables «croisades», l’Amérique centrale et méridionale des «conquistadors» puis l’Amérique du Nord de Buffalo Bill, grand affameur de « Peaux-Rouges » en Jésus-Christ, sans parler, bien sûr, de l’Afrique des missionnaires et de leur position discutable à plus d’un titre, allaient, au cours des millénaires à venir, comprendre leur douleur si, par mégarde, ils oubliaient de se faire laver du péché originel par qui de droit.

«Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu»

Pourtant, au siège du Parti Monothéiste Libéral des années + 600, on n’était  pas tout à fait certain d’avoir fait le plein des suffrages «étrangers» dès le premier tour… En manière d’illustration, je vous propose un bref retour à la fiction pédagogique entamée deux chapitres en arrière.

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Etats-Unis d’Amérique / siège de la multinationale Procter & Gamble, année + 1967

– Gamble, tu dors ?

– Non, et toi Procter ?

-Non, puisque je te cause…

– Je suis bête. Donc ?

– Donc j’ai repensé aux résultats de notre dernière étude de marché et je me dis que la demande mondiale en machines à laver a encore fait un bond pas possible alors que nos ventes de lessive, Bonux et Dash réunis stagnent un tantinet…

– Je te vois venir, mon Procter ! Tu te dis qu’il serait peut être temps de sortir un nouveau label avant qu’Unilever nous broute l’herbe sous le pied !

– Tout juste ! J’ai même une idée sur l’angle d’attaque qu’il conviendrait d’adopter. Tu vas rire mais ces grands couillons de hippies et leur obsession de retour à la nature en sont à l’origine ! Notre prochain bébé – Ariel c’est un joli nom, tu trouves pas ? – se distinguerait des autres par sa formule entièrement BIOLOGIQUE !

– Qu’est-ce que t’entends par là, Procter ?

– Que dalle, c’est même un mot fait exprès pour ça. Mais je te rassure tout de suite : ça ne nous coûterait pas un rond. Comme d’hab’ on change une ou deux molécules mais on garde le même circuit de fabrication/ promotion/ distribution…

– Procter, je t’aime ! Et je sens que je vais aimer Ariel, la première lessive biologique du monde libre !

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1.11. «C’est aussi en lui que nous avons été élus, ayant été prédestinés suivant la résolution de celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté»

(2) année + 49 : Le concile de Jérusalem déclare les non-Juifs libres à l’égard de la loi mosaïque.

lire le chapitre suivant:  Moïse lave plus blanc (suite et fin)