Le Soleil de Phuket

Donc vous sentez venir les migraines, les insomnies, les boyaux en capilotade, la phobie des barbus en rouge et blanc, synonymes de retrouvailles familiales débordantes de bons sentiments, de fiestas entre amis tellement sympathiques et dénuées de toute arrière-pensée ? À fyr on a ce qu’il vous faut pour vous aider à oublier, au moins le temps d’un  bon petit weekend de lecture peinard ↓

Laissé seul, B. fait l’inventaire de son environnement immédiat. Là encore si la maison compte mettre la clientèle dans un état propice à la gaudriole, c’est mort. Spartiate est l’adjectif qui vient à l’esprit. Où s’asseoir, ailleurs que sur un des deux tatamis rembourrés noyaux de pêche qui occupent l’espace étroit de la cabine ? Accroché au mur,  un énième Bienheureux grassouillet continue de trouver ça drôle.

Le sourire de la personne qui ne tarde pas à apparaître dans l’embrasure de la porte fait la paire. Pour ceux qui auraient encore des doutes sur ses activités, Madame Bamrungsuk ressemble à tout sauf à une tenancière de bordel. Elle doit bien péter les soixante-dix balais. Grande et mince, madame Bamrungsuk impressionne par la dignité de son port. Surtout vu d’en-bas. Elle accorde à son visiteur un wai à la fois respectueux et distant. B. fait mine de se lever.

– Non non, restez assis, je vous prie. »  Ce disant, c’est la dame qui se pose sur le second tatami avec une souplesse inattendue pour son âge. Avant de croiser les jambes dans un lotus dont la perfection finit d’écœurer Bongarçon, lui qui ne sait déjà plus quoi faire de ses genoux au supplice. « Dites-moi, je vous prie, les raisons qui ont conduit vos pas jusqu’au Singsiang Kasalong. » Les cheveux gris-blancs, en harmonie avec l’ivoire d’un ensemble deux-pièces en soie peinte, contrastent avec le pétant du rouge à lèvres. Le regard châtaigne vous transperce littéralement.

Prenant un air embarrassé qu’il réussit à merveille, B. se risque sur la pointe des tongs : « Voici déjà plusieurs années un ami, intarissable sur les bienfaits de la médecine thaïe, m’a recommandé un salon de la rue Fremaux. M’étant enfin décidé à m’y rendre je viens d’avoir la mauvaise surprise de trouver l’établissement fermé définitivement. Aussi, plutôt que rentrer chez moi…

Les ridules autour des yeux de la dame se creusent imperceptiblement. « Puis-je connaître le nom du salon à vous recommandé par votre ami ?

– Le Soleil de Phuket.

Les lèvres peintes de Mamie Tapaphaipun se crispent un quart de seconde. Mais déjà le sourire monalisien est de retour.  « Oserai-je pousser l’indiscrétion jusqu’à m’enquérir de la nature des prestations que votre ami avait l’habitude de recevoir au Soleil de Phuket ?

 

Extrait de B. comme Bongarçon, F.Y. Richard, 2,69€Amazon KindleFnac ePub