Archives de catégorie : Ecce Homo

– société, politique et autres chats écrasés

« MARS 2221, roman » (chap 32 : « Tout s’explique (2) »)

C’est qu’y avait du beau linge hier soir au stade de la Phronce. Le morveux, son barniais, son taïaut retaïaut, son tueur de faisans adipeux, sa pécheresse botoxée et, en guest stars, ses glorieux prédancesseurs : l’inventeur de la retraite à 43 annuités et un gibier de potence en cavale qui continue à en vouloir à son instit de lui avoir taillé les oreilles en pointe. Tout ça pour mater les cuisses épilées d’enshortés sans intérêt mais surtout affirmer la solidarité de la Phronce avec un gang d’extrémistes religieux, colonialiste jusqu’au génocide. Vive le sport.

 

Meanwhile, sur « MARS 2221, roman »…

  1. Tout s’explique (2)

– Ouaouh, Stan ! Comment tu causes la France quand tu t’en donnes la peine ! Alors toi aussi t’as lu Hippocampe Twist, le roman parfait qui dit pas « ne pas » ?

– Il n’y a plus de Stan, Maître. Il n’y en a jamais eu. Je confesse un certain talent pour modifier à volonté mon apparence physique…

Et moi je tiens un stand boucherie-charcuterie le dimanche sur le marché de La Ferrière !

– … Talent qui, par exemple, m’a permis de m’introduire ici sans éveiller les soupçons du gardien…

Geste en direction du manchot unijambiste qui saura plus jamais où donner de la tête.

– … Dont un excès de zèle m’a contraint hélas à le soustraire à l’affection de ses employeurs. Paix à ses logiciels intégrés ! Allons, assez tergiversé, Maître. Le moment est venu pour moi de vous révéler mon identité véritable. Elle explique le fait que je sois au courant pour l’étagère sans toutefois avoir eu l’honneur et l’avantage de lire Hippocampe Twist. Regardez-moi attentivement, Maître. Imaginez-moi avec une barbe et des lunettes de soleil… Il y a deux ans de cela… La Résidence… Mon beau-père, le célèbre chirurgien Poutine nous présente l’un à l’…

Vous me verriez prendre mon air stupéfait / pantois / éberlué / ébahi / abasourdi et l’entièreté du dico des synonymes…

– Attends ! Pardon, attendez… Nooon ! C’est impossible ! Monsieur Dur…Durkrot ??? Jamais au grand jamais j’aurais pu faire le rapproch…… Monsieur Durkrot ! Ça alors !

– Kuduort, Maître. Nivek Kuduort, pour vous servir… Pendant quelques minutes encore…

Reçu cinq sur cinq, enflure ! Le mec est sûr d’avoir enfin trouvé un plan d’enfer pour nager dans l’opulence  alors pas plus un pauvre couillon d’androïde que le Sage parmi les sages ont intérêt à se mettre en travers de sa route ! Je répète que quitter ce bas monde est tout sauf un problème pour moi. « Un temps pour vivre, un temps pour mourir », Ecclésiaste 3.1-15. C’est appliquée à Anthéa que l’idée me file de l’urticaire. Anthéa, c’est la première merveille du monde ! Loin devant le Taj Mahal, la muraille de Chine, l’Acropole ou la Grande Pyramide… Qui songerait un dixième de seconde à déconstruire la Grande Pyramide ?

– Ni – vek  Ku – duort ! Le monde est vraiment minuscule ! À propos… Fille ou garçon ?

– Deux petits garçons. Des jumeaux. Dans la famille Poutine c’est chose fréquente, m’a dit Moushkra.

Son ton s’est radouci. Ça l’émeut que je me souvienne du bidon XXL de madame.

– …Ah, Maître ! Que n’êtes-vous resté quelques jours supplémentaires à l’hôpital ? D’après Mme d’Avila…

– Vous connaissez l’infirmière-chef ?

 

…la suite demain si vous le voulez bien…

« MARS 2221, roman » (chap 30 : « Retrouvailles »)

07/11/24, Budapest : Morveux 1er, roi de la PhronceMais je n’ai pas envie de laisser l’Europe comme un formidable théâtre habité par des herbivores, que des carnivores, selon leur agenda, viendront dévorer ».

T’en fais pas, trou-de-balle, l’Europe compte un bon paquet de carnivores autochtones qui, grâce à toi et tes prédancesseurs, se sont déjà bien rempli la panse. Agenda ou pas, tes méchants carnivores venus d’ailleurs ne trouveront bientôt plus que des os à sucer 🙂

 

Mais nous on s’en cogne, on continue à (re)lire « MARS 2221, roman ».

  1. Retrouvailles

 Où allons-nous ? »,  Darius s’enquiert.

Cette question ! Tu m’emmènes à l’endroit précis où on récolte les petites merveilles de la vitrine ! Et fissa !!!

Le robot démissionne. Il pointe le fond de la caverne.

– La dernière navette encore en état de fonctionner est stationnée à l’entrée de la galerie numéro 2.

C’est parti pour un tour de train fantôme. La « navette » à bord de laquelle nous prenons place ressemble à un cockpit d’hélicoptère. De forme arrondie, elle glisse en couinant sur le monorail. Les parois de la galerie, d’un marron-gris terne et granuleux, défilent à travers les vitres. Dans les  phares inquisiteurs, les cicatrices laissées par les lasers des mineurs pourraient passer pour les vélléités picturales de quelque Néandertalien défoncé. Mais voici que, peu à peu, l’ambiance change. De fines veines dorées se mettent à réfléchir le double faisceau de photons domestiques. Plus on avance, plus elles se font nombreuses, épaisses, scintillantes. Il hallucine, le pseudo Stan.

Pince-moi, Darius !!! PINCE-MOI !!! Le filon du millénaire !!! …Arrête-toi ! ARRÊTE, je te dis !!!

Darius obéit. Par ses yeux nous voyons son passager sauter à bas de la navette pour se précipiter vers une méga pépite incrustée dans la roche. Tomber en pamoison devant. Puis, hypnotisé, se risquer à l’effleurer du bout des doigts. Comme un ado avec les nénés de son premier flirt. Avant d’y aller franco, la palucher à pleines paumes, lui rouler des pelles… S’il aime pas l’or, le garçon, on lui donnera autre chose ! Le voici à quatre pattes à embrasser le sol pierreux  comme un jeanpauldeux moyen en weekend à Orbiland. Avant de se relever extatique et se livrer à une danse d’un Saint-Guy qui aurait pris des cours avec Tina Turner.

Riche ! Je… suis… RICHE !!! RIIIIICHE !!!

Anthéa profite de l’intermède.

– Vas-y, lapin ! On s’y perd dans ton histoire de poils…

– Quand Poutine me l’a présenté, le soi-disant Stan était pileux du museau d’accord mais pas genre nid à poux comme aujourd’hui. Sa barbichette de jeune premier était taillée au cordeau. Et, comme aujourd’hui, il arborait des lunettes de soleil… Sauf que pas ces culs de bouteille de non voyant ! Nan, des Ray Ban à la « Top gun »… Je me souviens aussi d’un petit chignon serré sur la nuque… Qui matchait pas trop son keffieh d’ailleurs…

– Donc ce craignos connaît Poutine ?

– Un pneu qu’il connaît Poutine ! Il est maqué avec sa fille ! Forcément ça crée des liens…

Pendant que le survolté cavale d’une veine à l’autre en poussant des cris de victoire je finis de briefer Anthéa sur les circonstances de ma première rencontre avec lui. Savoir une petite sauterie chicos à laquelle Poutine m’avait convié. C’était quelques semaines après ma sortie de couveuse. Entre deux flûtes de Veuve Clicquot et un petit four au caviar de Sibérie le chirurgien avait tenu à me présenter sa fille Moushkra. Une brunette pas vilaine, enceinte jusqu’aux yeux …Ainsi que l’élu de son cœur.

– « Maître, voici Nivek Kuduort. Moushkra et lui me font actuellement le trop rare plaisir de passer quelques jours à la Résidence. Et ils brûlent de rencontrer, en chair et en os, le patient dont je me laisse parfois aller à évoquer le destin hors normes…. »

 

 

…la suite demain…

« MARS 2221, roman » (chap 29 : « POV », suite)

J’ai beau essayer, j’arrive pas à recoller à l’actu. Ici l’ensemble national pipeau et orchestre en plein accordage à l’approche des chants de Noël, là-bas Donald Schtroumph prédant de sa raie, so what ? Qu’est-ce que ça change côté Shoah des Animaux ? 3,8 milliards de malheureuses créatures abattues tous les jours dans le monde pour qu’au final junior boude son bifteck ! Bah on le donnera aux pauvres… Et si les pauvres sont déjà morts de faim, y aura bien un clebs… ou une hyène, un chacal, un vautour, je sais pas moi… Parlant de charognards, Naldo et Melon, même à eux deux, à trois en comptant Bibi, aussi vicelards et dégénérés soient-ils, qu’est-ce qu’ils pourraient bien inventer de vicelard et dégénéré qui n’ait déjà été inventé et réinventé et reréinventé depuis que le monde est immonde ? Nan j’y peux rien, tout ce qui m’intéresse en ce moment c’est relire avec vous (et améliorer quand y a besoin) « MARS 2221, roman ».

(Que ça vous empêche pas de vous dégotter une bonne petite série Nextflip pour le weekend, surtout ! Nextflip qui se verrait soupçonné de « fraude fiscale aggravée et travail dissimulé en bande organisée » ? J’arrive pas à le croire)

 

Mais retour sur Mars donc, 2221 de notre ère où, grâce aux talents incroyables d’Anthéa dans le domaine de l’informatique de haut vol, il nous est donné de revivre ce qui pourrait bien être les derniers instants de Darius…

La vision subjective (« Point Of View shot ») est un truc de réalisateur de cinéma vieux comme le cinéma. Le spectateur se retrouve dans la peau du personnage au point de vivre l’action à sa place. Dans « Jaws » (Spielberg, 1975) on est le requin. Dans « Un peuple et son roi » (P. Schoeller, 2018), singulièrement raccord avec la situation présente, le POV est encore plus inventif : on est la tête coupée au bout du bras du bourreau. À ceci près qu’au moment où on prend l’antenne, on en est au stade où Darius a toujours la sienne vissée sur les épaules. Il vient simplement de se prendre une grosse trempe (c’était ça l’orage magnétique). Il a compris où était son intérêt. Il fait comme le violent lui a dit de faire. Il se remet tant bien que mal sur ses guiboles flageolantes et – l’image vacille en conséquence – retourne en titubant poser son cul sur sa chaise. En face de lui – de nous – Stan s’est lui aussi emparé d’une chaise qu’il chevauche à l’envers, les coudes en appui sur le dossier. Le canon de son flingue bien en évidence il attaque.

Ainsi donc mon cher Darius, ton taf c’est « gardien de mine d’or désaffectée » ? Y a pas de sot métier, on est d’accord. C’est ton employeur qui m’intrigue ! Mettre la clé sous la porte d’un eldorado pareil, comme ça du jour au lendemain !

– Je… Je ne sais pas de quel or vous parlez.

– De quel or je parle ? DE QUEL OR ??? SI T’ARRÊTAIS DE TE FOUTRE DE MA GUEULE, DARIUS ???

Voilà le Stan qui bondit de sa chaise et gagne l’autre côté du comptoir. Planté devant la vitrine, il continue de faire ses nerfs.

C’EST PAS DE L’OR ÇA ??? ET ÇA ? ET ÇA ? C’EST PAS DE L’OR ??? D’APRÈS TOI ??? C’EST DES BONBONS AU MIEL ???

Du bout du flingue qu’il arrête pas d’agiter il désigne les échantillons de minerai brillants, impeccablement alignés sur les étagères. Avant de perdre ce qui lui reste de patience et dézinguer la vitre, d’un coup de crosse rageur.

Je vais te dire, Dadarius, ils tombent super bien ces bonbons au miel ! J’ai la gorge qui me picote depuis ce matin !

Le blagueur fait une razzia dans la vitrine explosée. Les poches pleines, il regagne sa chaise, sa tête à deux centimètres de la nôtre. Bam ! J’ai pas vu la beigne partir. Je fais un bond en arrière, Anthéa rigole.

– T’es bon public, lapin !

L’image met un certain temps à récupérer du brouillage induit.

Ça, Darius, c’est pour m’avoir obligé à me déplacer. Mais je suis pas rancunier. Je vais même te faire une confidence : si je suis là, c’est pas par hasard. Il se trouve qu’un ami à moi a développé, comment dire, une sorte de don. T’as des radiesthésistes qui te repèrent une nappe phréatique à trente mètres sous leurs pieds, eh ben mon ami, lui, c’est au voisinage de tout signe extérieur de richesse qu’il entre comme qui dirait en transe. Je te passe les explications techniques, c’est du grand n’importe quoi. Sauf que ÇA MARCHE !!! Ça marche à tous les coups son sixième sens de fou à mon ami ! Et d’après ce qu’il m’a dit pas plus tard que ce matin…

– Attends mais c’est de moi qu’il parle, ce taré !!! De quel droit il me mêle à ses turpitudes ?  Comment il sait pour mon « sixième sens de fou » ! Je lui en ai jamais parlé ! Ni ce matin ni un autre jour ! Et d’abord je suis PAS son ami !!!

Anthéa se marre de plus belle.

– Calmez-vous, Maître ! À votre âge, un AVC pourrait se révéler fatal !

 

la suite demain

« MARS 2221, roman » (chap 18 : Une petite qui frétille (suite et fin))

Un mois et un jour après que j’aie commencé à relire avec vous « MARS 2221, roman », le plaisir est toujours le même. Je me régale de ce court instant quotidien pendant lequel me laissent en paix mes pensées mangeuses de raison de vivre… La shoah des Animaux encore et toujours, ses camps de la mort, ses dépeçages barbares, le déchaînement génocidaire d’Israël, son gang de voleurs, ses potes cow-boys endettés jusqu’au slip – ceci expliquant peut-être cela – dans un ping-pong sordide avec les dictateurs monomaniaques homophobes et misogynes les plus tarés du casting planétaire… Entre les deux, les enfants perdu(e)s qui se décharnent et/ou se noient en silence, les rescapé(e)s qu’on rejette à la mer… Et soudain pfffuit – comme une peinture de Magritte – quelques paragraphes-oxygène, quelques nuages d’un beau temps pas gnangnan avant de replonger dans la nuit des bipèdes à poil ras… Aujôrd’hui (comme on dit sur France Culture) « Une petite qui frétille » (suite et fin).

 

résumé : suite à une glissade, le narrateur se retrouve dans une chambre d’hosto qu’il doit partager avec un vétéran de la 7ème guerre d’indépendance taïwanaise…

L’infirmière éteint la lumière et se casse jusque la prochaine fois. C’est vrai qu’il m’a à la bonne, le vieux. La plastique d’Anthéa y est pour beaucoup, je dirais. Un jour ou deux après qu’on m’ait remonté des urgences, elle avait apporté une tablette de mots croisés. Kembaçkuk dit que ça peut aider pour ce que j’ai. Maladroitement, j’avais laissé choir le stylaser. Il avait roulé sous mon pieu. Anthéa s’était mise à quatre pattes pour le récupérer.

– De dos, votre amie me rappelle ma première épouse », m’avait confié le vieux militaire une fois Anthéa partie.

Il avait précisé sa pensée.

– Pour sûr qu’ elle était bonne, ma Delphana ! Aussi bonne que volage. Un jour – j’étais encore que caporal – je rentre d’une semaine de pacification à Guernesey, y avait un mot sur la table. « Me cherche pas, je suis partie avec le facteur ». Vous n’allez pas me croire mais, abstraction faite de la vaisselle d’une semaine qu’elle avait laissée dans l’évier, j’avais plutôt bien pris son abandon de poste. Après tout c’était elle ou ma carrière ! À la fin de chaque perm’,  je rentrais à la caserne plus crevé qu’en partant, tellement fallait pas lui en promettre à Delphana !

Son expression s’était faite songeuse.

– De toutes façons elle m’aurait pas suivi à Taipei. Elle avait décrété qu’elle aimait pas les Jaunes.

Le cornard magnanime avait cru bon d’ajouter, mezza voce :

– J’ai toujours pensé que c’était parce qu’elle faisait sienne la croyance selon laquelle Dame Nature avait escroqué les Asiatiques de quelques centimètres… stratégiques !

Rire égrillard.

– En cela Delphana n’accordait aucun crédit à un dicton qui avait cours dans ma jeunesse…

– « Mieux vaut une petite qui frétille qu’une grosse qui roupille » ?

Le vétéran en était resté bouche bée. J’avais pas jugé utile de lui expliquer que, contrairement aux apparences, ma jeunesse à moi précédait la sienne d’une bonne centaine d’années.

– Mon arrière-grand-père était agrégé de philosophie.

Pour finir de lui trouer le cul, à son adjudant, j’aurais pu lui dire que son patronyme m’était familier. Sauf que ce soir encore j’ai beau fouiller dans les coins et recoins de mon hippocampe « surcompensé », je saurais toujours pas dire pourquoi. Calmann-Lévy… Calmann-Lévy…  Ça sonne comme un label de plats cuisinés… Dans la lignée de « William Saurin » ou « Jackie et Michel »… Nan, pas « Jackie et Michel », « Jackie et Michel » c’était une maison d’édit…

 

demain chap 19 : « La tache sombre » …

« MARS 2221, roman » (chap 17 : « Des fleurs, des feuilles et des branches »)

C’est pas qu’ils sont méchants sur France Culture. Ils font ce qu’ils peuvent, si vous voyez qu’est-ce je veux dire (en franceculturien dans le texte). À les en croire, ils sont « l’esprit d’ouverture ». Genre en ce moment l’esprit ouvre sur le « polar ». Sa spirituelle vision du polar, à l’esprit d’ouverture. Exemple hier mardi 15 octobre vers 13h 30, entre « Les midis » et « Les pieds sur terre »,  alors que je terminais mon camembert j’ai entendu une voix mâle et sexy en diable, onctueuse comme mon camembert vanter le plaisir incomparable de « se faire peur ». Le bg conviait les franceculturistes intéressés à le suivre « dans la pluie glaciale », se choper des « sueurs froides » et patauger dans des « mares de sang ». J’en ai mangé la croûte de mon camembert. Bon mais foin de culture franceculturelle, le présent chapitre de « MARS 2221, roman » cause culture pour de vrai. La culture de la washmeuh pour être précis.

17. Des fleurs, des feuilles et des branches

– E…Excusez-moi ! La chaleur… J’ai dû m’endormir…

Le mec chasse une mouche invisible et passe direct à la question qui le préoccupe.

– Juvénal Valbueno. Tyler prétend que vous vous y connaissez en chanvre indien. On va voir ça tout de suite. L’égourmandage, ça vous dit quelque chose ?

– Paraît que ça marche pour les tomates. S’agissant de la beu, c’est une hérésie.

À travers nos visières respectives je vois ses yeux s’agrandir.

– Une hérésie, vraiment ?

– Vraiment. À moins que vos clients s’éclatent à méfu de la salade.

Gêne palpable de mon interlocuteur. J’enfonce le clou.

– Hé boss ! Un joint c’est pas un cigarillo ! Dans la beu c’est la tête qui fait tout. Une bonne grosse tête bien dodue, bien velue qui craque sous les doigts du rouleur, libérant son arôme généreux…

Les siècles ont passé mais branchez moi fumette et direct je retrouve l’enthousiasme de mes premiers pétards. Ganja, marijuana, kif, pot, weed, kaya, des mots si doux à mes oreilles ! Les siècles ont passé, dis-je, et comme prévisible, malgré les promesses qui ressurgissent à chaque campagne électorale, sur Mars comme ailleurs, la culture de l’herbe est toujours tricarde. Mais je tombe des nues au constat qu’il y a pire : qui dit « égourmander » dit priver la plante des tiges secondaires, voire tertiaires qui, à terme, produisent les précieuses sommités défonçantes.  Au profit du développement des feuilles. Les feuilles ! Doux Jésus ! Jésus qui, à en juger par la puissance de son délire devait y aller à fond sur le « sénevé », première orthographe de « chènevis » = cannabis. Il n’est pour s’en convaincre que de lire sa fameuse parabole.

C’est pas que ce soit 100% inintéressant à fumer, une feuille de beu, m’objecterez-vous. Sous réserve qu’elle ait été prélevée sur un pied femelle ! Délicate, fine, gracieuse, féminine quoi. Pas un grossier bifteck mâle sans le moindre potentiel psychotrope… Je l’ai dit, à Cerny on était prompt à déguster les prémices de notre récolte – vision fugitive de Kurt, vidant sa poêle de « française » torréfiée à souhait sur la table de la cuisine – mais les « fricassées » c’était en attendant de faire tomber les têtes pire que Robespierre !

Valbueno a aucune intention de perdre la face devant Tyler. Il me saisit par le coude et m’entraîne un peu à l’écart.

– Parce que vous pensez que…

– Un peu que je pense que. Faites le test. Arrêtez votre égourmandage criminel et laissez au contraire ces délicates branchettes prendre de la vigueur. Vous m’en direz des nouvelles.

Pendant que l’ingénieur essaie de se gratter le front mais c’est pas facile à cause des gants et de la visière, j’échafaude mentalement une théorie touchant à la régression culturale renversante dont je suis témoin. Se pourrait-il que, pendant mon sommeil forcé, face à la surenchère des labos hollandais ou californiens dans le surdosage en THC de leurs produits, les pouvoirs publics mondiaux aient exigé de leurs distingués légistes un tour de vis supplémentaire ? Déclaré une guerre sans merci à la « Hawaïan Skunk», la « Mango Kush », l’« Amnesia » qui causaient trop de ravages sur les neurones de notre belle jeunesse ? Était-ce que pourchassés jusques au fond des caves de leurs HLM étroitement surveillés par les Forces du Bien, les misérables loques qui persistaient à adultérer leur tabac – quand il en restait encore dans leurs spiffs – en avaient, de génération en génération, oublié jusqu’aux fondements sacrés de l’élevage de la washmeuh ???

Juvénal Valbueno m’arrache à mes conjectures. Sa décision est prise.

– Si Tyler accepte de faire sans vous en bas, vous prenez vos fonctions immédiatement.

Un peu que Tyler accepte de faire sans moi ! Trop content d’avoir réussi à redorer son blason d’entremetteur patenté, il croise juste les doigts pour que je me montre à la hauteur de la situation. Pendant qu’il décarre, Valbueno me désigne l’escalier.

– Je vous donne carte blanche. Descendons à la plantation, voulez-vous ? Attention, l’humidité ambiante rend l’escalier un peu gliss…

L’avertissement me parvient trop tard.

demain chap 18 : « Une petite qui frétille »