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Demandez “MARS 2221, roman” !

Grâce à « Mars 2221, roman » j’ai appris ce qu’était l’ « impression à la demande ».  Et dans la foulée ce qu’était un libraire indépendant. Ça valait le coup d’en faire une tribune. Sur Médiapart  ils ont un club. Un club avec des blogs. Le portier du club, très sympa, l’a trouvée « originale et intéressante », ma tribune. Il m’a offert son parrainage. Qui m’a permis de la publier sans avoir à m’abonner. Total, si vous passez par les blogs du Club Médiapart, la lecture de https://blogs.mediapart.fr/franckrichard907/blog/050624/impression-la-demande-librairie-independante-ecologie-et-litterature

…c’est gratos. Juste faut être abonné pour lâcher son like ou son commentaire. On va dire que c’est de bonne guerre, Edwy 😉

Sauf que feignants comme vous êtes, Médiapart ça fait loin pour vos petites jambes, pas vrai ? Alors ok, la v’là ma tribune, avec des images en + !

« Impression à la demande, librairie indépendante, écologie et littérature »

– Combien d’arbres pour fabriquer une tonne de papier ? (réponse : 17 )1

– Quantité d’eau nécessaire à la production d’un livre de 300 g ? (réponse : 150 litres)2

Le genre de questions qu’on oublie de se poser les weekends où il pleut, si un bon bouquin peut aider à rattraper le coup.

Le genre de question qu’on se pose encore plus rarement quand on se balade entre les tables de notre librairie indépendante préférée. Qu’on se demande dans quelle pile d’exemplaires du même roman on va taper aujourd’hui. Qu’on se dit « tiens ? celle-ci n’a pas beaucoup diminué depuis la semaine dernière… par contre, celle qui traînait là-bas depuis un bail a disparu d’un coup d’un seul ! »

 

Et puis un jour on se retrouve indépendant comme son libraire mais dans la catégorie « auteur ». Savoir, on doit à la fois écrire et rendre son écriture visible. Un peu comme une vache qui devrait embouteiller son lait, l’étiqueter et croiser les sabots pour qu’un épicier le trouve à son goût au point de lui faire une petite place sur l’étagère.

Notons qu’il existe aujourd’hui des « officines » d’aide à l’autoédition. Moyennant un pourcentage sur recette peu ou prou égal à celui prélevé par un éditeur classique, l’officine en question concocte des remèdes aux gaz technico-administratifs qui encombrent le Shakespeare-dans-sa-tête.

Hélas, la plus belle officine d’aide à l’autoédition du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Qui s’arrête au pouvoir d’exaucer le rêve ultime de tout Goncourt en puissance : tenir 300 grammes de cellulose cartonnée made in bibi entre ses petites mains nerveuses, tout content de pas avoir dû recourir aux bons et loyaux services d’un éditeur classique (qui l’aurait fait poireauter six mois minimum avant de l’envoyer paître, « politique éditoriale » oblige).

Sauf que – miraculeusement séduit par sa prose – un éditeur classique lui aurait ouvert grand les portes des librairies indépendantes.

Grâce au sésame imparable de la « reprise des invendus ».

 

Parce que la reprise des invendus, son officine d’aide à l’autoédition, au wannabe auteur-à-succès, elle connait pas. C’est pourtant le paramètre qui motive en premier chef tout libraire indépendant soucieux de survivre. Au point de refuser tout net de « travailler »3 un ouvrage qui ne lui est pas adressé par un « vrai éditeur »4.

Pour preuve, des 560 librairies indépendantes à qui j’ai fait parvenir le PDF de mon dernier roman, accompagné de la suggestion d’y jeter un œil et plus si affinités – voire d’en commander un exemplaire à proposer à sa clientèle – j’ai reçu moins d’une dizaine de réponses dont je tiens à remercier les auteurs.  Hélas elles se ressemblent toutes 5 :

« bonjour,

je répnds quaisment toujours par politesse (pour le mal que vous vous êtes donnés)

non aux O…L… on ne prend pas de livre en impression à) la demande, désolée

bon courage »

*

« Bonjour,

Merci de l’intérêt que vous portez à notre librairie mais nous ne travaillons pas avec L… ni avec aucune maison d’édition fonctionnant en impression à la demande.

Nous vous souhaitons le meilleur pour la suite de vos projets.

*

« Je vous remercie pour l’intérêt et la confiance que vous portez au B…, également pour les informations concernant votre livre. Je suis désolée de vous annoncer que nous ne prenons pas d’impression à la demande dans nos rayons. »

*

« M’enfin ! », aurait dit Gaston. Pourquoi tant de haine à l’endroit de l’impression à la demande ?

C’est pourtant une bonne idée, l’IAD ! On dirait que je suis libraire. J’ai des tables, des rayons. Autant d’espaces au sein desquels un seul bouquin peut faire le boulot d’une pile (qui, aussi haute soit-elle, ne révèle que la couverture du volume du haut). Le chaland feuillette. Il aime pas, la question est réglée. Dans le cas contraire il me passe commande. Résultat, je rentre dans mes frais et l’ouvrage de son choix l’attend dans ma librairie sous trois jours, délai quasi amazonien. Les ventes suivantes seront du bénef pur.

Fini les invendus à retourner au « vrai éditeur » du bouquin ! C’est-à-dire 21,1% de mon stock (= 42 200 tonnes annuelles dans l’hexagone)6 voués à la destruction ou, au mieux, recyclés. Sachant qu’en France on manque cruellement de recycleries et que, contrairement au traitement des fibres vierges, le recyclage du papier s’appuie sur une énergie provenant essentiellement de sources fossiles7.

Last but not least, l’IAD me sert sur un plateau l’opportunité de faire jouer à fond mes qualités de libraire indépendant. Flexibilité, ouverture d’esprit, capacité d’adaptation. J’ai choisi ce métier pour promouvoir la littérature quelle que soit sa provenance, n’est-ce pas ? Quant à l’éventualité d’un hiatus entre mes goûts et ceux de ma clientèle, me retrouver avec un bouquin sur les bras n’est pas à proprement parler une catastrophe financière, juste l’opportunité d’enrichir ma bibliothèque perso à prix réduit (autour de 30% selon le distributeur) ! Cela dit, si les officines d’aide à l’autoédition pouvaient carrément m’adresser un exemplaire gratuit de leurs productions je serais pas contre, le format PDF n’étant pas mon préféré pour découvrir un livre.

 

Clairement, l’impression à la demande représente une alternative durable et responsable à l’exposition coûteuse d’empilements stratégico-décoratifs, dont près d’un quart s’en iront nourrir le pilon. Moins d’arbres abattus, moins d’eau gaspillée. L’empreinte carbone de l’industrie du livre en sort gagnante.

Un bienfait en entraînant un autre, l’IAD délivre les libraires de l’obsession vitale de la reprise de leurs invendus. Formulé autrement, elle les amène à ne plus préférer systématiquement « travailler » les livres qui leur sont adressés par les maisons d’édition qui la lui garantissent et, du coup, leur permet d’atteindre à une véritable « indépendance ».

L’impression à la demande, un petit pas pour l’écologie, un bond de géant vers le renouveau de la création littéraire et – dans son sillage – un possible regain d’intérêt du public pour l’univers du livre.

Franck Richard (Hippocampe TwistMars 2221, roman)

Sources :

1  Recylivre.com

2  Recylivre.com

3,4 Les termes entre guillemets sont empruntés au lexique librairien.

5  J’ai respecté l’anonymat de mes correspondants qui reconnaîtront leurs coquilles occasionnelles.

6   Syndicat National de l’Edition

7 https://www.anthropocenemagazine.org/2020/10/paper-recycling-isnt-necessarily-good-for-the-climate/