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Qu’est-ce qui pue ? c’est l’ebook ! Ou pas.

 

Salut et Fraternité !

En ces heures décisives pour la nation (du bois) suspendue à la décision en la solitude de l’uri  l’isonoir  l’isoloir des blaireaux votant(e)s *, tandis que la Shoah des Animaux continue, jour après nuit après jour après nuit, de massacrer les seules espèces vivantes 100% innocentes des crimes dont les bipèdes à poil ras s’accusent les un(e)s les autres, je paye mon break.

S’agit de mon 3ème article pour le Club Médiapart, livré ce matin aux aurores. Pour le démarrer j’ai pas mal emprunté à un truc écrit il y a quelques années sur FYR : https://www.franckyvonrichard.com/2019/01/le-grand-charles-gutenberg-le-lobby-de-ledition-et-les-autres/

J’en ai d’ailleurs customisé l’ illustration que je suis parvenu à inclure dans l’article pour Médiapart (fastoche en fait).

Ça cause du denier avatar en date de la querelle des Anciens et des Modernes.

Êtes-vous lecteur ou liseur ?

Il fut un temps où, de château en château, les troubadours (« trouvères » au nord de la Loire) s’en allaient contant (mais pas toujours contents du gîte et du couvert qu’ils se voyaient offrir) les exploits du Grand Charles (Carolus Magnus pour les latinistes) et de son neveu Roland.

Jusqu’au jour où, lassés des grèves à répétition de ces intermittents du spectacle par trop capricieux, nobles seigneurs et gentes dames décidèrent de ne plus compter que sur eux-mêmes. L’on apprit à lire et, au prix de quelques souffrances pour les petits veaux qui y laissaient leur peau, l’on se mit au parchemin. Sur lequel, d’une plume d’oie alerte (la plume) étaient portés noir sur blanc les exploits du Grand Charles (Carolus Magnus pour les latinistes) et de son neveu Roland.

Les troubadours (« trouvères » au nord de la Loire) ne se démontèrent pas. Ils investirent en masse dans la commande de rouleaux de parchemin vierges et apprirent à écrire.

Une poignée de siècles plus tard, un trouble-fête du nom de Johannes Gutenberg inventa l’imprimerie. Nos plumitifs, à nouveau menacés dans leur gagne-pain, se firent tant bien que mal à l’idée de partager les bénefs que leur rapportait l’exposé des exploits du Grand Charles (Carolus Magnus pour les latinistes) et de son neveu Roland avec de drôles de lascars apparus comme des champignons après la pluie : les « éditeurs ». Ces derniers, malins comme des singes, leur ayant « esspliqué » – comme on dit sur France Culture – qu’en tant que travailleurs manuels ils avaient besoin d’être coachés par des êtres pensants.

Mais on n’arrête pas le progrès et, depuis quelques décennies, l’informatique a rendu superfétatoire l’invention de Gutenberg. On peut dorénavant, tenez-vous bien, conter les exploits du Grand Charles (Carolus Magnus pour les latinistes) et de son neveu Roland sans laisser ses économies chez l’imprimeur ni avoir à déprimer les défenseurs de la forêt primaire. Ah oui j’ai omis de préciser qu’entre temps le vélin des veaux (rien à voir avec Vaulx-en-Velin) avait cessé d’être indispensable à la transmission desdits exploits (ni de ceux, aux siècles des siècles, de Moses & Friends).

Sachez pourtant qu’à l’heure où j’écris ces lignes encombrées de parenthèses, les tenants du broché n’ont pas pas imprimé leur dernier mot. Ils misent sur le terrible manque infligé aux accros du crissement subtil du papier, du parfum enivrant de l’encre fraîche. Comment ça, qu’importe le flacon ? Comment ça ce qui compte avant tout, ce sont les exploits du Grand Charles (Carolus Magnus pour les latinistes) et de son neveu Roland et l’art et la manière dont ils nous sont narrés ? Vous rigolez, les mecs ! Ce qui compte, c’est le plaisant feuilletage de pages par nos index confiturés, le matin au p’tit déj’ ! Et la couverture ! Ah, la coquette couverture cartonnée qui se détache et se craquelle avec le temps ! Et la poussière ! Qui s’accumule sur les rayons des bibliothèques, municipales ou domestiques, si discrètement télégéniques en arrière-plan des interviewés ! Et le pilon ! À quoi va servir le pilon si on n’imprime plus ? Non contents d’avoir imprudemment aboli la guillotine au point de ne plus savoir que faire de nos Gilets Jaunes, ce pilon qui nous fait gagner un peu d’espace sur les étagères des libraires « indépendants », allons-nous l’abolir, lui aussi ?

Non, croyez m’en, la culture est une est indivisible. Et elle passe par le carton et la cellulose. Le livre papier est une émanation jalouse de la Parole Divine. Ne dit-on pas « les religions du Livre » (avec une majuscule) ? Quel mécréant se risquerait à parler de « religions du Ebook » (même avec une majuscule) ? Un peu de sérieux ! Pensez à nos chers éditeurs ! D’accord ils se sont mis dare-dare à ce pâle succédané de leurs merveilles reliées mais jusques à quand pourront-ils, sans éveiller l’ire du chaland, en augmenter le prix quand chacun sait que la production d’un ebook revient à une poignée de cacahuètes ? Écoutez  les cris déchirants d’Albin, entendez les plaintes de Robert. Y resterez-vous insensibles ?

Ou préférerez-vous sagement, docilement, culturellement, continuer de dépenser le quintuple de ce que vous coûterait, à vous et à la forêt primaire, le récit palpitant des exploits du Grand Charles (Carolus Magnus pour les latinistes) et de son neveu Roland dans sa version numérique?

Comme dit l’autre, je pose la question.

 

Précision pour les habitué(e)s de FYR exclusivement: « MARS 2221, roman » existe en broché (privilégiez la Fnac pour une petite réduc) et en numérique (3,49 €)

2022, 2024, même combat :  https://www.franckyvonrichard.com/2022/06/voter-con/

 

Demandez “MARS 2221, roman” !

Grâce à « Mars 2221, roman » j’ai appris ce qu’était l’ « impression à la demande ».  Et dans la foulée ce qu’était un libraire indépendant. Ça valait le coup d’en faire une tribune. Sur Médiapart  ils ont un club. Un club avec des blogs. Le portier du club, très sympa, l’a trouvée « originale et intéressante », ma tribune. Il m’a offert son parrainage. Qui m’a permis de la publier sans avoir à m’abonner. Total, si vous passez par les blogs du Club Médiapart, la lecture de https://blogs.mediapart.fr/franckrichard907/blog/050624/impression-la-demande-librairie-independante-ecologie-et-litterature

…c’est gratos. Juste faut être abonné pour lâcher son like ou son commentaire. On va dire que c’est de bonne guerre, Edwy 😉

Sauf que feignants comme vous êtes, Médiapart ça fait loin pour vos petites jambes, pas vrai ? Alors ok, la v’là ma tribune, avec des images en + !

« Impression à la demande, librairie indépendante, écologie et littérature »

– Combien d’arbres pour fabriquer une tonne de papier ? (réponse : 17 )1

– Quantité d’eau nécessaire à la production d’un livre de 300 g ? (réponse : 150 litres)2

Le genre de questions qu’on oublie de se poser les weekends où il pleut, si un bon bouquin peut aider à rattraper le coup.

Le genre de question qu’on se pose encore plus rarement quand on se balade entre les tables de notre librairie indépendante préférée. Qu’on se demande dans quelle pile d’exemplaires du même roman on va taper aujourd’hui. Qu’on se dit « tiens ? celle-ci n’a pas beaucoup diminué depuis la semaine dernière… par contre, celle qui traînait là-bas depuis un bail a disparu d’un coup d’un seul ! »

 

Et puis un jour on se retrouve indépendant comme son libraire mais dans la catégorie « auteur ». Savoir, on doit à la fois écrire et rendre son écriture visible. Un peu comme une vache qui devrait embouteiller son lait, l’étiqueter et croiser les sabots pour qu’un épicier le trouve à son goût au point de lui faire une petite place sur l’étagère.

Notons qu’il existe aujourd’hui des « officines » d’aide à l’autoédition. Moyennant un pourcentage sur recette peu ou prou égal à celui prélevé par un éditeur classique, l’officine en question concocte des remèdes aux gaz technico-administratifs qui encombrent le Shakespeare-dans-sa-tête.

Hélas, la plus belle officine d’aide à l’autoédition du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Qui s’arrête au pouvoir d’exaucer le rêve ultime de tout Goncourt en puissance : tenir 300 grammes de cellulose cartonnée made in bibi entre ses petites mains nerveuses, tout content de pas avoir dû recourir aux bons et loyaux services d’un éditeur classique (qui l’aurait fait poireauter six mois minimum avant de l’envoyer paître, « politique éditoriale » oblige).

Sauf que – miraculeusement séduit par sa prose – un éditeur classique lui aurait ouvert grand les portes des librairies indépendantes.

Grâce au sésame imparable de la « reprise des invendus ».

 

Parce que la reprise des invendus, son officine d’aide à l’autoédition, au wannabe auteur-à-succès, elle connait pas. C’est pourtant le paramètre qui motive en premier chef tout libraire indépendant soucieux de survivre. Au point de refuser tout net de « travailler »3 un ouvrage qui ne lui est pas adressé par un « vrai éditeur »4.

Pour preuve, des 560 librairies indépendantes à qui j’ai fait parvenir le PDF de mon dernier roman, accompagné de la suggestion d’y jeter un œil et plus si affinités – voire d’en commander un exemplaire à proposer à sa clientèle – j’ai reçu moins d’une dizaine de réponses dont je tiens à remercier les auteurs.  Hélas elles se ressemblent toutes 5 :

« bonjour,

je répnds quaisment toujours par politesse (pour le mal que vous vous êtes donnés)

non aux O…L… on ne prend pas de livre en impression à) la demande, désolée

bon courage »

*

« Bonjour,

Merci de l’intérêt que vous portez à notre librairie mais nous ne travaillons pas avec L… ni avec aucune maison d’édition fonctionnant en impression à la demande.

Nous vous souhaitons le meilleur pour la suite de vos projets.

*

« Je vous remercie pour l’intérêt et la confiance que vous portez au B…, également pour les informations concernant votre livre. Je suis désolée de vous annoncer que nous ne prenons pas d’impression à la demande dans nos rayons. »

*

« M’enfin ! », aurait dit Gaston. Pourquoi tant de haine à l’endroit de l’impression à la demande ?

C’est pourtant une bonne idée, l’IAD ! On dirait que je suis libraire. J’ai des tables, des rayons. Autant d’espaces au sein desquels un seul bouquin peut faire le boulot d’une pile (qui, aussi haute soit-elle, ne révèle que la couverture du volume du haut). Le chaland feuillette. Il aime pas, la question est réglée. Dans le cas contraire il me passe commande. Résultat, je rentre dans mes frais et l’ouvrage de son choix l’attend dans ma librairie sous trois jours, délai quasi amazonien. Les ventes suivantes seront du bénef pur.

Fini les invendus à retourner au « vrai éditeur » du bouquin ! C’est-à-dire 21,1% de mon stock (= 42 200 tonnes annuelles dans l’hexagone)6 voués à la destruction ou, au mieux, recyclés. Sachant qu’en France on manque cruellement de recycleries et que, contrairement au traitement des fibres vierges, le recyclage du papier s’appuie sur une énergie provenant essentiellement de sources fossiles7.

Last but not least, l’IAD me sert sur un plateau l’opportunité de faire jouer à fond mes qualités de libraire indépendant. Flexibilité, ouverture d’esprit, capacité d’adaptation. J’ai choisi ce métier pour promouvoir la littérature quelle que soit sa provenance, n’est-ce pas ? Quant à l’éventualité d’un hiatus entre mes goûts et ceux de ma clientèle, me retrouver avec un bouquin sur les bras n’est pas à proprement parler une catastrophe financière, juste l’opportunité d’enrichir ma bibliothèque perso à prix réduit (autour de 30% selon le distributeur) ! Cela dit, si les officines d’aide à l’autoédition pouvaient carrément m’adresser un exemplaire gratuit de leurs productions je serais pas contre, le format PDF n’étant pas mon préféré pour découvrir un livre.

 

Clairement, l’impression à la demande représente une alternative durable et responsable à l’exposition coûteuse d’empilements stratégico-décoratifs, dont près d’un quart s’en iront nourrir le pilon. Moins d’arbres abattus, moins d’eau gaspillée. L’empreinte carbone de l’industrie du livre en sort gagnante.

Un bienfait en entraînant un autre, l’IAD délivre les libraires de l’obsession vitale de la reprise de leurs invendus. Formulé autrement, elle les amène à ne plus préférer systématiquement « travailler » les livres qui leur sont adressés par les maisons d’édition qui la lui garantissent et, du coup, leur permet d’atteindre à une véritable « indépendance ».

L’impression à la demande, un petit pas pour l’écologie, un bond de géant vers le renouveau de la création littéraire et – dans son sillage – un possible regain d’intérêt du public pour l’univers du livre.

Franck Richard (Hippocampe TwistMars 2221, roman)

Sources :

1  Recylivre.com

2  Recylivre.com

3,4 Les termes entre guillemets sont empruntés au lexique librairien.

5  J’ai respecté l’anonymat de mes correspondants qui reconnaîtront leurs coquilles occasionnelles.

6   Syndicat National de l’Edition

7 https://www.anthropocenemagazine.org/2020/10/paper-recycling-isnt-necessarily-good-for-the-climate/