Archives mensuelles : novembre 2024

« MARS 2221, roman » (chap 37 : « Un, deux, trois », suite)

 

 

résumé : la Croupière Générale aimerait en savoir plus sur la soucoupe d’Endymion…

Mon amoureuse rougit jusqu’à la racine de sa crinière platine avant de bredouiller :

– Oui mais bon c’était pour déconner.

– *Et comment vous en tenir rigueur ? D’Andromède-la-Glorieuse à GN-Z11, ultime amas scintillant accessible à leurs télescopes de débutants, la naïveté obtuse des Terreux en matière de déplacement intersidéral a toujours déclenché l’hilarité des composés. Il a suffi qu’au milieu de votre 20ème siècle, depuis son monomoteur crachotant, l’américain Kenneth Arnold s’imagine apercevoir une escadrille d’objets volants de forme circulaire pour qu’aussitôt l’imaginaire terreux s’enflamme. Plutôt que s’en formaliser, les Pierrots décidèrent de rebondir sur ce témoignage farfelu. Ils firent passer la consigne suivante aux organisateurs de pèlerinages : « tout terminal amené à se matérialiser en environnement terreux, devra désormais prendre l’apparence d’une soucoupe. »*

  Idem pour les « petits hommes verts » ?

– *Idem. Les Pierrots songent à verser des royalties aux familles des deux agriculteurs du Kentucky dont les « extraterrestres humanoïdes mesurant à peine un mètre de haut et verts comme les prés » ont enrichi la faune galactique d’un fantasme original. Depuis votre année 1951 et les « apparitions » de Kelly-Hopkinsville, les composés désireux de se recueillir sur les vestiges des Aïeux de Terra se font un plaisir de passer par le sas de mise en conformité plastique. Ils adorent se transformer en lutins verts fluo avant de s’aventurer hors de leurs « soucoupes volantes » ! *

Non seulement Endymion s’était réellement trouvé confronté à un débarquement impromptu d’ « estraterresques comme disait mémère Calmann » mais il était pas loin d’avoir raison en les assimilant à des touristes ! Une question me brûle les lèvres cependant.

 

… la suite demain…

« MARS 2221, roman » (chap 37 : « Un, deux, trois », suite)

Finalement, d’après le morveux, c’est pas grave d’être un criminel de guerre, voleur et escroc notoire, doublé d’un raciste++. « Infanticide », « féminicide », « torture », « famine stratégique », « colonisation systémique », des mots tout ça… Et pis d’abord, quand on est le roi de la Phronce, on a tous les droits divins, dont ceux d’avoir besoin de divins sous, donc de faire caca dans sa divine culotte et retourner sa divine veste dare-dare, hein Brizitte ?

 

Bah nous on s’en fout on est là pour relire «  MARS 2221, roman ».

résumé : la tortue s’explique sur ses « taquineries »…

Lassitude d’un sourire mental non dénué d’amertume.

– *Depuis maintenant deux millions d’années solaires, les signaux en provenance de Terra-la-Honte ne cessent de causer des insomnies au Conseil des Pierrots. Le principe de non-ingérence – alinéa 1 de la Loi d’Expansion Infinie – les contraint d’assister, impuissants, aux dérapages quotidiens d’une espèce suicidaire qui, ces trois ou quatre derniers millénaires, a décidé d’en remettre une couche en s’auto proclamant d’ascendance divine !!! *

La tortue lève les yeux au ciel et lâche un soupir télépathique des plus expressifs.

– *« Dieu » ! Un concept fumeux à manier avec prudence et circonspection ! En tant que Croupière Générale de la Spirale W1745 et de ses clusters satellites – une région de l’univers correspondant grosso modo à votre « Voie Lactée », savoir au bas mot 100 milliards de planètes comprises dans un diamètre estimé  entre 150 000 et 200 000 années-lumière – je sais de quoi je parle.*

Nous nous voyons octroyer quelques secondes de traitement de données avant la suite de la remise à niveau.

– * « Cinquante kilomètres », m’objecterez-vous, « …Pareille profondeur place Skomäth-Hellian hors de portée des gratouillis de la General Irons ! ». Oui et non quand on sait que la mine d’or de Tau Tona, en Afrique du Sud, frise les 4 kms à l’intérieur de l’écorce terreuse ! Ajoutez à cela que – bien que je me fusse toujours opposée à cette pratique, supposée faciliter l’accès aux ludomaines – les badges d’accréditation font également fonction de spatio balises… Confidence pour confidence, Lapin, où diantre ce « Calmann-Lévy » s’est-il procuré celui qui a fini par se retrouver dans votre poche ?*

Je me prépare à insister sur le fait que je m’appelle pas « lapin » – avec ou sans majuscule – mais Anthéa me pousse du coude.

Vas-y, raconte à madame la Croupière Générale. La soucoupe volante… Les petits hommes verts… La partie de chifoumi !

Passant outre le ton ironique d’une Anthéa toujours pas convaincue de la fiabilité des propos du vétéran trop tôt disparu, je m’applique à les rapporter à la syllabe près. J’élude toutefois les hauts et les bas de sa vie sentimentale pour en arriver à l’essentiel : Beinan.

– *Le site archéologique ?*

– Tu vois, Anthéa ! Madame la Croupière Générale connait l’existence du site archéologique de Beinan !

Rasséréné je reprends, à l’adresse de la tortue :

– Sur la suggestion du barman de l’hôtel où il était descendu, Endymion avait poussé jusqu’aux monolithes, fierté du syndicat d’initiative…

– *Fierté justifiée. Stonehenge certes, Carnac bien sûr, Coatlicue, la Pierre de Baalbek… Votre planète regorge d’Aïeux que les Aïgohgulbhs, les Oopsschliks et autres Gröhlins-Gröhlins, pour ne citer qu’eux, ont coutume de descendre honorer au moins une fois dans leur vie… Mais les « Sages de Beinan » et leurs yeux ouverts à jamais sur l’Interminéralité Fondatrice recueillent  tous les suffrages.*

La voix silencieuse passe du registre enthousiaste au questionnement badin.

–  * J’ai également cru entendre la jeune f… hem… Anthéa… mentionner une « soucoupe volante » ?*

… demain la suite…

« MARS 2221, roman » (chap 37 : «Un, deux, trois»)

  1. Un, deux, trois

On poireaute encore plus longtemps que tout à l’heure avant de revoir le minois reptilien.

– *Pardonnez ma lenteur à revenir vers vous mais j’avais besoin de l’aval de ma hiérarchie pour répondre à Lapin. Asseyez-vous, cela risque d’être long.*

– Hem, en fait « lapin » c’est un surn…

– *Tout d’abord soyez persuadés que si n’entraient en jeu des intérêts essentiels à l’équilibre de l’Univers, le Conseil des Pierrots ne verrait aucun inconvénient à ce qu’une entreprise quelle qu’elle soit s’en aille perdre son temps et l’énergie de ses salariés à extraire un minerai omniprésent dans tous les sous-sols d’origine magmatique et – qui plus est – donnant un fer de piètre qualité puisque composé à 55% de soufre. Oui mais voilà…*

Anthéa et moi évitons de justesse une collision de têtes en voulant nous pencher pour mieux entendre. C’est nigaud puisque, vous l’aurez compris, la tortue s’adresse à nous par la pensée. (d’où les astérisques, j’ai pas trouvé mieux) (bonne chance aux réalisateurs de l’audiobook !)

– * …Niché à une petite cinquantaine de kilomètres au cœur d’une planète que les Terreux ont baptisée du nom d’un de ces super héros qui surpeuplent leurs mythologies puériles… Mars, la planète « rouge de colère » !!! Quelle imagination, Grand Pierrot !…*

Balancement accablé de la petite tronche serpentine. On dirait un de ces chiens pendulaires pour plage arrière de bagnole qui hochent la tête avec les mouvements de la route…

– *… Se trouve un des ludomaines les plus prisés chez les composés des Mille Galaxies.*

La tortue prend en compte nos bouches bées et nos yeux comme des œufs au plat.

– * Eh oui, il va falloir vous y faire : « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie ». Hamlet ! Shakespeare ! Un peu cucul la praline mais tout de même moins affligeant que les « Onfray-mieux-de-se-taire », « Beigbeder-à-coudre », « Où-est-le-bec » et autres « BHL-de-poulet » dont les pâtés sonnèrent le glas de l’écriture signifiante. L’aube poisseuse d’un âge de régression intellectuelle qui, aujourd’hui, mène les quelques semblants d’écrivaillons terreux survivants à l’oblitération pure et simple leur alphabet ! *

– Quand je te dis que tu as tes chances, lapin ! Nan, je plaisante !

– *Mais revenons à la question posée. « D’où me vient mon acharnement » ? Eh bien, comme aurait dit le Vieux Marin de Samuel T. Coleridge, je « veille au grain », mes bons amis !*

…la suite demain…

« MARS 2221, roman » (chap 36 : « Emmanuel », suite et fin)

résumé : que la lumière soit !

– * Compatissante, j’acceptai d’intervenir. Emmanuel présentait les symptômes classiques d’un TDAH et j’avais mieux pour en venir à bout que toutes les « Ritaline », « Quasym » ou « Concerta » qui, des siècles plus tard, viendraient abrutir plus que guérir les enfants terreux diagnostiqués « hyperactifs » (et soulager leurs parents). Une maladie de Gélineau eût été exagérément sévère, aussi j’optai pour une bonne petite hypersomnie chronique. Elle suffirait à ramener le gamin à un comportement moins agressif. Je lui déclenchai donc sur le champ une attaque de ce trouble bénin, agrémentée pour faire bonne mesure d’une baisse momentanée de tonus musculaire…*

Haussement de sourcils suivi d’un gonflement discrètement expressif de la joue gauche, Anthéa partage mes doutes quant au crédit à apporter aux carnets de voyage de la tortue.

– *C’est alors qu’à ma profonde stupeur – je n’avais JAMAIS, de toute ma carrière, connu un tel fiasco – en réaction à l’intervention censée l’apaiser, la petite teigne s’était mise à redoubler d’une énergie mauvaise, donnant des coups de pied dans les murs, accablant Theophrastus de reproches et d’insultes indignes… «Vieux lozer sans la moindre zuzotte ! Ze suis la seule réussite dans ta pauvre carrière d’alcimiste de seconde zone et au lieu d’admirer ma brillante intellizence et m’encourazer dans mes prozets – car ceci est mon prozeeeeet ! – de sauvetaze du royaume de la Phronce menacé par une populace vicieuze et illettrée, tu prétends me faire soigner ! Grrr ! Z’ai bien envie de vous emmerder zusqu’au bout, toi et tous ces connards… ».*

La tortue secoue la tête.

– *Je revois le regard désemparé de Theophrastus. Je l’entends encore me chuchoter que lorsqu’Emmanuel perdait ainsi la raison, le seul moyen de le calmer était de lui faire inhaler quelques décigrammes d’une poudre à base d’Erythroxylum Coca, une plante rapportée tout récemment d’Amérique du sud par un certain Cristóbal Colón. De fait, ayant goulûment reniflé ladite poudre, le gnome caractériel s’était quelque peu radouci. Ce qui ne l’avait pas empêché, alors qu’il quittait la pièce sans y avoir été autorisé, d’adresser à son créateur navré un signe de la main étrange qui commençait à avoir cours au sein des jeunes générations terreuses. Le majeur seul se dresse hors du poing fermé…*

Le sommeil commence à me gagner. J’en peux plus de toutes ces conneries. Quand soudain eurêka ! Une explication se fait jour. Je crois comprendre pourquoi la tortue nous pompe l’air avec son Pinocchio psychopathe…À l’en croire, Emmanuel est seul, avant Anthéa et moi, à avoir encaissé sans broncher les effets de ses « taquineries ». Emmanuel est un homoncule. Conclusion, nous sommes des homoncules  !

Et pourquoi pas après tout ? À y réfléchir, existe-t-il une différence de nature entre la créature de Paracelse et les homo sapiensis de seconde main que nous sommes ? Issus nous aussi des manipes discutables d’apprentis sorciers en roue libre…

La petite créature va finir par choper un torticolis à secouer la teutê commace.

– * Ainsi Theophrastus aurait finalement récidivé ? Je suis déçue. *

Anthéa qui a elle aussi saisi l’embrouille, juge nécessaire d’intervenir.

Nous n’avons rien à voir avec Paracelse, je vous en donne ma parole. Mon ami et moi sommes des clones. Depuis Dolly-la-brebis la technique du clonage n’a cessé de progresser sur Terra. Le croiriez-vous, lapin ici présent est le clone de lui-même ! Pas son frère jumeau décalé dans le temps comme moi je suis la copie conforme d’une créature originale disparue depuis des lustres. Nan, lapin, ils ont poussé le bouchon jusqu’à lui injecter les données contenues dans son cerveau d’origine ! Lapin, il a 269 ans dans sa tête ! Ça présente pas que des avantages, croyez-moi ! Ni pour lui ni pour son environnement ! Genre il en est encore à la zique acoustique ! Donnez-lui un manche à balai et un morceau de ficelle et hop il vous bricole une… comment t’appelles ce truc déjà, lapin?

– Une guitare. Et tiens, puisque tu me donnes la parole, j’aimerais poser à madame la tortue une question qui me taraude depuis l’instant où – à point nommé, on l’en remercie – elle s’est matérialisée au pied du rail : d’où lui vient son acharnement à s’opposer à l’extraction d’un minerai pourave dont même les décideurs de General Irons veulent plus entendre parler ?

À voir la petite tête couverte d’écailles se réfugier à nouveau sous son abri ambulant, je me demande si j’ai pas commis un impair.

 

… demain chap 37 : « Un, deux, trois »…

« MARS 2221, roman » (chap 36 : « Emmanuel »)

  1. Emmanuel

 – * PARACELSE !!!*

Contrairement aux apparences, la tortue dormait pas. Après un long silence radio la voici qui montre à nouveau le bout de son nez frippé.

– * Philippus Theophrastus Aureolus Bombast von Hohenheim, dit « Paracelse ». Voilà qui ne me rajeunit pas ! Suite à un signalement de l’AIS, j’étais descendue sur Terra recadrer cet « alchimiste », selon la dénomination applicable aux originaux qui, depuis que votre espèce tient sur ses deux pattes, espèrent « transmuter » le plomb en or. Toujours cette fixation incompréhensible, à moins d’aimer les chasses d’eau qui fuient ! Bref, arrivée à Zurich, j’appris que Paracelse avait émigré à Salzbourg. Dommage car je comptais bien me gaver de chocolat suisse. Mon péché mignon ! Le chocolat au lait et aux noisettes. Les puristes ne jurent que par le chocolat noir mais je le digère mal, le chocolat noir.*

Anthéa d’approuver.

– Pareil. Ça me donne des aigreurs d’estomac.

-* Voire des selles liquides. Finalement, les « Salzburger Nockerl » que Theophrastus me servit autour d’une tasse de thé au gingembre étaient un régal des papilles. De plus, lors de notre entretien approfondi, l’homme ne se révéla pas aussi infréquentable qu’on m’avait dit. D’accord pour un médecin il passait plus de temps derrière ses cornues que dans son cabinet de consultation mais ne déclarait-il pas « préférer les sentiers et les routes aux universités où l’on n’apprend rien » ?*

Saine vision des choses !

J’ai pas pu me retenir. Un cri du cœur échappé d’Hippocampe Twist.

– * De plus, dûment questionné, celui qu’on appelait Paracelse me jura ses grands dieux qu’il n’avait recours à l’alchimie qu’aux fins de concocter des potions bénéfiques à ses patients et non en vue d’un quelconque enrichissement personnel. Pour un Terreux l’homme paraissait digne de confiance. Ayant rapidement mis fin aux sautillements nerveux auxquels je l’avais soumis préventivement et au terme d’un fort agréable moment passé en sa compagnie, je m’apprêtais à regagner le Void quand la porte d’un placard à balais s’était brusquement ouverte, projetant sur le sol, au milieu des bassines et des produits de ménage, une sorte de gnome à tête de fouine. « Emmanuel ! Encore à espionner le monde ! Combien de fois faudra-t-il que je me fâche ? ». Theophrastus s’était tourné vers moi et, l’air navré, m’avait expliqué que le petit mal élevé était un homoncule de sa fabrication. « Le premier et le dernier, je vous en fais la promesse ! Soit la qualité de la semence humaine qu’on m’a fournie est en cause, soit j’ai trop forcé sur l’arcanum pour la faire lever. Emmanuel s’avère ingérable ! In-gé-rable !!! Menteur, voleur, masturbateur compulsif, dysphonique… ». Le gnome de s’insurger : « Ze ne çuis pas dysnophique, vieux bouc ! Ze trouve ça plus zoli de parler comme ze parle, c’est bien mon droit, non ? Même que quand ze serai grand, vu que ze serai le sef du monde entier de tout l’univers, z’oblizerai tous les cèlzéceux à parler zoli comme moi ! »*

La tortue est une conteuse redoutable. On se croirait dans un remake burlesque de Pinocchio by Walt Disney. Mais où veut-elle en venir, avec son démiurge amateur débordé par sa création ?

 

nous le saurons demain, même heure, même écran…