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« MARS 2221 » (chap 9 : Anthéa (2))

Hier j’expliquais aux murs qu’il y avait toujours moyen de s’améliorer. Je croyais pas si bien dire. Tout à l’heure en relisant l’extrait que je poste aujourd’hui (« ojardui » en France-Culturien), voilà que je tombe sur ma hantise toutes catégories : la faute d’orthographe du  branleur  parfait. Les murs vérifieront par eux–mêmes. Sur la copie officielle de «  MARS 2221, roman », chap 9 : Anthéa (2), j’ai écrit et fait imprimer « à cause du martyr que leurs prédécesseurs avaient enduré ». J’ai pas le temps de m’étendre because 8 stères à tasser avant le retour des pluies prévu pour dimanche mais franchement je sais plus où m’en mettre ! Bien sûr j’ai corrigé aussi sec. En acte de contrition, j’ai même apporté quelques améliorations au texte original qui auraient certainement plu à Edmond de Goncourt.

Bonne lecture !

9. Anthéa (2)

 En un siècle et demi, la clinique du professeur Marcel avait troqué une à une ses élégantes constructions en meulière – dont la « demeure luxueusement dépouillée » que le professeur avait fait édifier pour le plus grand confort de son « guide spirituel » (toujours pas lu Hippocampe Twist, les loulous ?) – contre des tours aux profils élancés et néanmoins lugubres. Leurs antennes tutoyaient le dôme translucide de la cité autonome au sein de laquelle des cadres supérieurs en blouse blanche occupaient leurs journées à déchiffrer les mystères de la vie, les bidouillant en cas de besoin, pour la plus grande gloire de la Science. Des cadres supérieurs docteurs, professeurs, chirurgiens secondés par une kyrielle d’encadrés jongleurs d’éprouvettes, pianoteurs de claviers, scruteurs d’écrans.

Lors de mes balades autour du studio standing avec vue sur le parc dont Poutine m’avait remis la clé au jour de ma résurrection, je m’efforçais d’éviter la boucherie-charcuterie de la tour « Physiologie Comparée ». Qui dit « recherche expérimentale » dit « sujets d’expérimentation ». Le département « Physiologie Comparée » en faisait une consommation quotidienne, de ces infortunés mammifères. Aboiements désespérés, miaulements indicibles, hurlements de chimpanzés à bout de souffrance incrédule montaient parfois d’une fenêtre laissée ouverte par inadvertance. Je ressentais un sentiment de honte insondable à la pensée que si j’étais là pour les entendre, c’était en partie à cause du martyre que leurs prédécesseurs avaient enduré.

À l’inverse, le kiosque à musique était une de mes destinations préférées. Si son toit octogonal en zinc posé sur des piliers finement ciselés avait existé du temps de Marcel, je m’en serais souvenu. La nuit était tombée. Impatient et ému comme un collégien à l’idée de revoir Anthéa, je m’étais frayé un passage entre les massifs de cornouillers. Il y avait foule autour du kiosque. Sous lequel un jeune mec dont la dégaine évoquait Bowie période « Ziggy Stardust » tortillait du cul, tirant et poussant une myriade de commandes lumineuses piquées comme des clous de girofles sur une sphère en apesanteur. D’accord y aurait pas eu la place pour le London Royal Philharmonic mais là, un simple DJ, aussi sexy fût-il, j’étais un peu déçu… Et le public ? Il dansait sur quoi, le public ? J’entendais pas de musique ! Bah ce devait être un genre d’échauffement, un peu comme les enshortés de la Champions League avant le remplacement tant espéré… Parmi eux aucune trace d’Anthéa. Un food-truck était stationné un peu plus loin. Je m’étais dit que je craquerais bien pour une gaufre de consolation. Aussitôt dit aussitôt fait. J’étais occupé à en épousseter le trop plein de sucre glace quand une bande d’allumés à crêtes multicolores et maquillages outranciers avaient fait leur apparition à l’entrée du square.

 

la suite demain sans faute

Bon lundi + « MARS 2221 », texte intégral (chap 8 : Anthéa (1))

À l’heure où Robert Doisneau immortalisait le trou des Halles, qui mieux que Cloclo savait célébrer les joies du lundi, au soleil tant qu’à faire ? Ce timbre sauvagement nasillard ! En partie(s) dû au port du moule-boules (= « nom masculin invariant en nombre: Slip ou pantalon tellement serré qu’il met en évidence les parties génitales ») télévisuellement incontournable en ces années glorieuses. Sur une ligne mélodique génialement insignifiante, ces lyrics d’une suave débilité !  « ♫ Regarde ta montre, il est déjà huit heures /♫ Embrassons-nous tendrement /♫ Un taxi t’emporte, tu t’en vas mon cœur /♫ Parmi ces milliers de gens ». Bon lundi, les enfants de la patrie ! En prime, la suite de «   MARS 2221, roman» …

 8. Anthéa (1)

 – Drone autonome de sécurité aérienne DASA 13-45FX09. Veuillez décliner les raisons de votre présence statique dans le périmètre rapproché des Jardins Suspendus.

– Mon épouse, mes compagnons et moi sollicitons de votre hiérarchie l’examen bienveillant d’une requête en protection temporaire assortie d’une offre de contrepartie active.

Le petit homme serre sa femme contre lui. Il a débité sa demande d’embauche d’une seule traite. C’est pas sa première depuis leur arrivée sur Mars. Pendant que je roupillais, Anthéa a bavardé avec Cyrus Meertens. Il est Belge. Les Meertens exploitaient une petite scierie au sud d’Anvers avant que le nord de la Belgique disparaisse sous les eaux avec leur scierie.

Le béret lui répond du tac au tac.

– Veuillez me suivre tous les cinq.

Comme en Galilée les rois mages l’étoile du berger, on suit le drone le long du haut mur d’enceinte jusqu’à la grille d’entrée des Jardins. Et là j’hallucine : Beaubourg ! « Notre Dame des Tuyaux », comme ricanaient les détracteurs de la construction ultra futuriste poussée comme un champignon au cœur du Paris des années 1970. Le nom officiel de l’usine à gaz en question c’était « Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou » mais on disait « Beaubourg » en référence au plateau Beaubourg, le terrain plus que vague sur lequel elle avait été érigée. Riverain de Beaubourg en construction, à l’emplacement des Halles détruites il en restait un méga trou qui faisait marrer les passants. Eh ben les Jardins, si on les a pas encore vus c’est que, non seulement ils sont planqués derrière un mur d’une hauteur conséquente mais leurs niveaux inférieurs plongent loin dans le sol. Sûrement pour éviter que ceux du haut se cognent la tête dans le dôme qui chapeaute l’espèce de cathédrale transparente qui m’a tout de suite fait penser à Beaubourg.

Parce que Beaubourg c’était pas que des tuyaux. C’était aussi du verre. Six niveaux de cloisons vitrées maintenues en place par des barres de fer. On aurait dit que, le boulot torché, les ouvriers s’étaient cassés sans remballer leurs échafaudages. Question vitrage, les Jardins sont pas en reste. Tout comme les mickeys supposément artistiques exposés à Beaubourg jouissaient d’un éclairage naturel incomparable, les fruits et légumes cultivés aux Jardins Suspendus, mille-feuille d’une surface totale de quatre ou cinq terrains de foot, aménagé pile sous un puits de lumière, peuvent pas rêver d’un meilleur ensoleillement. Et le soir – comme ce soir – des millions de leds prennent le relais. Noël avant l’heure !

Le béret se fend d’une salve de couinements de souris à l’intention de la boîte de conserve obèse en lévitation devant le poste de garde. Le bot adipeux nous scanne de haut en bas avant de nous autoriser à passer l’entrée et nous diriger sur le hall d’accueil. Là on est pris en charge par une grande meuf à l’air pincé. Elle est hôtesse diplômée, pas assistante sociale, non mais sans blague ! Dans un sursaut de solidarité humaine, elle nous autorise malgré tout à poser un cul en attendant que le Département des Admissions statue sur notre cas. Ce qui, à l’en croire, devrait pas être long.

Les fauteuils, disposés en cercle autour d’une table basse encombrée de « readers » – ces revues connectées dans lesquelles, avant de mater un article vaguement intéressant il faut faire défiler une bonne dizaine de pubs débiles – s’annoncent hyper confortables. Je me laisse tomber sur un d’entre eux, face à Anthéa. Elle a déjà fermé les yeux, partie dans une de ces micro siestes qui lui rendent toute son énergie.

la suite demain

Bon dimanche + « MARS 2221 », (chap 7 : la PMAL, suite et fin)

Bon dimanche à toutes et tous ! Bonnes tueries dans les champs inondés et au fond de ce qui reste de bois ! Bonne shoah dans les abattoirs chrétiens, halal et cacher, bon rosbif purée et … et… Bon GÉNOCIDE, « Bibi » !

Un doigt de “MARS 2221, roman” pour après la messe ?

résumé : Anthéa, le narrateur et leurs compagnons de misère arrivent à destination…

Si un nombre grandissant de migrants préfèrent Mars à Luna, c’est pas pour le plaisir de claquer leurs économies dans une traversée longue et risquée alors qu’en trois jours et pour dix fois moins cher, le premier passeur venu te dépose ni vu ni connu sur l’astre de la nuit. Oui mais voilà, sur l’astre de la nuit le marché du travail est saturé. Les autorités lunaires hésitent pas à renvoyer l’indésirable d’où il vient à leurs frais (passage à tabac inclus). Considéré le prix du billet Mars-Terra, la MICE (Mars Immigration & Customs Enforcement) peut difficilement se payer ce caprice sécuritaire. D’autant que sur Mars il y a encore du taf pour les clandos. À condition qu’ils soient pas feignants et qu’ils aient rayé de leur vocabulaire des mots vulgaires comme « retraite », « carte vitale » ou « congés payés ».

Pour faire court, sur la planète rouge, le travail au noir est, comment dire, toléré voire encouragé sans l’être. Il faut savoir que la Planetary Mutual Aid Law (PMAL), spécialité martienne,  tient les colons martiens pour responsables du devenir physique de tout SDF venu s’échouer aux abords de leur concession. Alors que dans les zones urbaines il y a toujours moyen de faire la tournée des poubelles, dès que tu t’aventures dans le maillage obscur des tunnels secondaires c’est plus le même rock’n’roll. Ok le système de pressurisation sub planétaire assure au charclo intrépide son comptant d’oxygène et, dans la journée, les puits de lumière, même distants, l’aident à retrouver son carton d’emballage protecteur – quoiqu’au quotidien les patrouilles de sécurité ramassent plus d’un cadavre gelé au bord des rails. Mais quand arrive l’heure du casse-croûte il peut rajouter un trou à sa ceinture, le charclo intrépide. Fort de ce constat, le MEC (Martian Executive Council) a eu une idée de génie : mouiller les concessionnaires ! Sacrilège, me direz-vous, en libertarien pur et dur que vous êtes. Oui et non : en compensation de leur bel effort humanitaire, aux termes de l’alinéa 23ter de la PMAL et le temps que les services de la MICE statuent sur le sort de leurs protégés légaux, les concessionnaires mouillés sont autorisés à requérir de ces derniers – je cite – « toute forme d’aide répondant aux besoins de leur activité économique ». Une « indemnisation plancher » de cette aide est depuis peu exigible, son montant laissé à l’entière appréciation du concessionnaire.

Notre suppositoire s’immobilise. Un méga placard en 3D d’un graphisme fructo légumier du plus bel effet remplit alors l’écran. « Bienvenue aux Jardins Suspendus ! Welcome ! Willkommen ! Добро пожаловать ! 欢迎 ! ». Le hayon s’ouvre sur un vaste parking peuplé  de véhicules de transports en attente de leur chargement.  On enfile nos sacs à dos et on saute à bas du camion. Dans un geste attendrissant le mari prévenant file aider son épouse à descendre de l’habitacle. Par la portière ouverte, sans couper le moteur, Lafleur nous souhaite bonne chance à tous les cinq. En plus de sa timidité naturelle envers la Surveillance des Jardins, il faut qu’il soit de retour à l’église pour les laudes de Fajr Sha’harit. On le regarde avec des sentiments mêlés faire sa manœuvre sur le parking avant de tailler la route dans un dernier solo de klaxon encourageant.

Reste plus qu’à s’asseoir au pied de la pancarte et attendre que quelqu’un s’intéresse à notre cas. Ce qui tarde pas. En provenance du poste de garde un béret basque métallique s’en vient tournoyer à trois mètres au-dessus de nos têtes.

à suivre dès demain…

 

« MARS 2221, roman », texte intégral (chap 7 : la PMAL)

 

On se tue à vous le dire ! Bon ce matin j’ai pas le temps de lâcher une nouvelle gerbe sur la politique étrangère d’Israël, le petit état courageux qui fait que se défendre contre les femmes et les enfants de ses méchants voisins – hein BHL de poulet ? – ni sur les viandards candidats au cancer du colon. On passe direct à “ MARS 2221, roman ”  !

   7. La PMAL

Me dites pas que vous rêvez pas. Tout le monde rêve. Seuls 0,38% de fortes têtes prétendent le contraire. Ils auraient, paraît-il, un problème d’« encodage du souvenir à la sortie du sommeil paradoxal ». Quant aux Parkinson, prophètes, rockstars, présidents de la république et autres mythos c’est autre chose, ils vivent leurs rêves. Le verrou de sécurité entre leurs pensées et leurs actes a sauté. Le chirurgien Poutine était formel : mes « remontées hippocampiques » à moi, comme il les avait baptisées, ressortaient pas du domaine du rêve. Pas même du rêve éveillé. Du « déjà vu » à l’extrême rigueur, sachant que les recherches menées sur ce phénomène souvent lié à l’épilepsie eussent démontré son absence de rapport avec les aires impliquées dans la mémoire. Nan, selon Poutine, il fallait chercher ailleurs. Un jour il m’avait fait part de sa théorie, me concernant.

– Je dirais qu’en son temps le docteur Legrand a péché par excès de zèle. Soucieux de faire remonter vos souvenirs dans leurs moindres détails, il a en quelque sorte surcompensé vos facultés mnésiques, d’où ces incursions intempestives de votre vie passée dans la présente.

« Excès de zèle » mon cul. Les lecteurs d’Hippocampe Twist savent très bien que l’empressement de Legrand à me remuscler l’hippocampe s’expliquait avant tout par sa volonté obsessionnelle de me faire régurgiter les modalités exactes de la chute de l’étagère. Non content de monnayer mes souvenirs intimes, ce pourri s’était mis dans le crâne de récupérer la formule du « cri du blé ».

– Suite au traitement particulièrement hem… efficace… du docteur Legrand, en contexte de tension ou de stress, que les circonstances extérieures en viennent à présenter une similitude marquée avec une situation dont vous avez gardé l’empreinte mémorielle et vous « basculez ». Vous troquez la réalité objective  contre le fantasme parallèle induit.

Chaque fois que Poutine parlait de « réalité objective », un drôle de sourire laissait entrevoir ses dents jaunies par le tabac. Lui, c’était pas l’étagère qui l’intéressait mais mon nez. Il passait son temps à l’étudier en long, en large et en travers, mon tarbouif. À le radiographier, le scanner, l’imprimer en 3D à différents moments de la journée, continuant à me donner du « Maître » par-ci, du « Maître » par-là.

Les doigts d’Anthéa font des tournicotis avec mes cheveux. Comme s’ils frisaient pas assez comme ça, mes poils de tête ! Je le lui dis. Elle se marre. Nous sentons le camion ralentir. Jusqu’à glisser au pas sur le monorail. On arrive à un nouveau péage. S’ensuit une manip inverse de celle de tout à l’heure. Un volet se lève et le fourgon reprend sa liberté. Nous naviguons de nouveau à un mètre du sol dans un tunnel à deux voies. Soudain dans la lumière du phare, un panneau indicateur : « La Ferrière, 1,5 kms ».

La voix du rabbi nous parvient, plus lasse que jamais. Les trois heures de route non stop y sont pour quelque chose.

– Rassemblez vos affaires, mes amis. Dans cinq minutes je vous largue devant les Jardins.

 

…à suivre dès demain…

 

Taïaut taïaut Retailleau ♫ + « MARS 2221 » (chap 6 : Un gros dodo, suite et fin)

Taïaut taïaut Retailleau ♫ Dernier délire du morveux, « coprince d’Andorre, Chanoine de Latran et Prince des veneurs » (sic) et sa bande de malfaisants : la chasse aux OQTF est ouverte !

Si seulement ça pouvait faire des vacances aux lapins, lièvres, perdrix, perdreaux, faisans et autres adorables petites cailles. J’en avais encore une ce matin sur le rebord de ma fenêtre. Trempée, affamée, apeurée, traquée par tous ces psychopathes en roue libre depuis 15 jours et autorisés, pendant les 5 mois à venir, à massacrer tout être sensible à poils ou a plumes osant vivre sa vie loin de l’enfer des bipèdes et leur Shoah des Animaux.

Que dire de l’Amicale des Libraires Indépendants de leur Volonté, bien décidés à euthanasier au berceau l’impression à la demande en général et «  MARS 2221, roman » en particulier?

Et tiens, puisqu’on en cause :

résumé : en route pour les Jardins Suspendus, le narrateur est, semble-t-il victime d’une nouvelle remontée hippocampique

 – Tranquillou! Les joies de la XM et sa chouette suspension hydraulique !

– Tu vas pas être malade hein son pépère ? Tu vas pas nous dégueulasser le VTT de Poupi ! Comment elle l’appelle déjà ?

On est au début des années 1990. Poupi c’est ma nouvelle compagne. Elle nous a précédés en train 400 bornes plus bas sur la carte pour aérer sa maison de famille perchée sur les hauteurs du Cantal et dans laquelle elle m’a offert de passer l’été. Quand j’ai dit à Bruno J. que j’avais besoin de convoyer deux vélos direction le trou-du-cul du monde, il en a parlé à son pote Bruno B. qui a dit « no problemo ». Bruno B. est un jeunot dingue de vitesse. Bagnole ou moto, du moment que ça speede, il est partant. 

Ma situation professionnelle a pas évolué depuis ma confidence au gars Souchon. Comme il fallait s’y attendre, l’iceberg des goûts merdeux du public a direct envoyé mon « Titanic » par le fond. Je continue à financer mon paquet de chips du soir espoir à la sueur de mes petits doigts agiles. À ce titre, l’année dernière j’ai reçu la visite d’un grand chevelu en Perfecto qui voulait s’initier aux claviers. Encore un à qui j’aurais pu suggérer de faire comme j’avais fait 15 ans plus tôt : tu te payes un « Magnus Electric Chord Organ 391 » en promo chez Tcharfour, tu voles une « Méthode Rose » au marchand de musique du coin et tu t’enfermes dans ta piaule pendant six mois. J’aurais pu mais j’avais un loyer et un pochon de beu hebdomadaire à financer alors j’ai dit « bienvenue à bord, jeune homme ! ». Le mec était cool. Notre relation prof / élève a rapidement viré pote / pote. Quand il est pas à bosser son piano, Bruno J. taquine la basse. Ça tombe bien. La passion de Gilou (le bassiste historique de Chère Crainte) pour le J&B a atteint des sommets, au point de le rendre de plus en plus violent envers son environnement matériel ou humain, pour des motifs presque toujours incompréhensibles. À la dernière répèt’ j’ai dû me réfugier dans les chiottes pour survivre. Bruno suce pas de la glace non plus mais, comme moi, il est surtout fumette. Il s’est bricolé un petit home studio tout confort dans lequel on passe des nuits à enregistrer. Et à se taper des barres non-stop.

– Rose Bonbon.

– Haha ! Rose Bonbon !!! Jar !

Bruno B. dit pas « genre » mais « jar ». Est-ce parce qu’il est originaire du sud de la France (« Genre » => « jannre » => « jar ») ? Ce serait la seule trace d’un accent qu’il a perdu depuis longtemps. Pas comme cette habitude détestable de conduire avec les genoux pendant qu’il chauffe son shit puis prépare délicatement le mélange détonnant, avant de manufacturer à 180 quelle que soit la météo. Bon mais vaseux comme je suis, pas question de m’offrir à œuvrer à sa place et on va pas réveiller Bruno J. « London Calling » à fond les baffles, les phares des bagnoles en face, l’orage, la pluie diluvienne, ça le fait roupiller, Bruno J. ! En me tassant un peu je parviens à me caler en PLS entre Rose Bonbon et Tornade (c’est le nom de mon spad à moi). Un truc pointu me rentre dans la joue. Un pignon de dérailleur, on dirait…

C’est pas un dérailleur mais une boucle de ceinturon. Je me redresse tant bien que mal.

– C’est ce qui s’appelle un gros dodo, ça madame ! Ils sont pas trop raides comme oreiller, les genoux d’Anthéa ?

à suivre demain