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Bon lundi + « MARS 2221 », texte intégral (chap 8 : Anthéa (1))

À l’heure où Robert Doisneau immortalisait le trou des Halles, qui mieux que Cloclo savait célébrer les joies du lundi, au soleil tant qu’à faire ? Ce timbre sauvagement nasillard ! En partie(s) dû au port du moule-boules (= « nom masculin invariant en nombre: Slip ou pantalon tellement serré qu’il met en évidence les parties génitales ») télévisuellement incontournable en ces années glorieuses. Sur une ligne mélodique génialement insignifiante, ces lyrics d’une suave débilité !  « ♫ Regarde ta montre, il est déjà huit heures /♫ Embrassons-nous tendrement /♫ Un taxi t’emporte, tu t’en vas mon cœur /♫ Parmi ces milliers de gens ». Bon lundi, les enfants de la patrie ! En prime, la suite de «   MARS 2221, roman» …

 8. Anthéa (1)

 – Drone autonome de sécurité aérienne DASA 13-45FX09. Veuillez décliner les raisons de votre présence statique dans le périmètre rapproché des Jardins Suspendus.

– Mon épouse, mes compagnons et moi sollicitons de votre hiérarchie l’examen bienveillant d’une requête en protection temporaire assortie d’une offre de contrepartie active.

Le petit homme serre sa femme contre lui. Il a débité sa demande d’embauche d’une seule traite. C’est pas sa première depuis leur arrivée sur Mars. Pendant que je roupillais, Anthéa a bavardé avec Cyrus Meertens. Il est Belge. Les Meertens exploitaient une petite scierie au sud d’Anvers avant que le nord de la Belgique disparaisse sous les eaux avec leur scierie.

Le béret lui répond du tac au tac.

– Veuillez me suivre tous les cinq.

Comme en Galilée les rois mages l’étoile du berger, on suit le drone le long du haut mur d’enceinte jusqu’à la grille d’entrée des Jardins. Et là j’hallucine : Beaubourg ! « Notre Dame des Tuyaux », comme ricanaient les détracteurs de la construction ultra futuriste poussée comme un champignon au cœur du Paris des années 1970. Le nom officiel de l’usine à gaz en question c’était « Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou » mais on disait « Beaubourg » en référence au plateau Beaubourg, le terrain plus que vague sur lequel elle avait été érigée. Riverain de Beaubourg en construction, à l’emplacement des Halles détruites il en restait un méga trou qui faisait marrer les passants. Eh ben les Jardins, si on les a pas encore vus c’est que, non seulement ils sont planqués derrière un mur d’une hauteur conséquente mais leurs niveaux inférieurs plongent loin dans le sol. Sûrement pour éviter que ceux du haut se cognent la tête dans le dôme qui chapeaute l’espèce de cathédrale transparente qui m’a tout de suite fait penser à Beaubourg.

Parce que Beaubourg c’était pas que des tuyaux. C’était aussi du verre. Six niveaux de cloisons vitrées maintenues en place par des barres de fer. On aurait dit que, le boulot torché, les ouvriers s’étaient cassés sans remballer leurs échafaudages. Question vitrage, les Jardins sont pas en reste. Tout comme les mickeys supposément artistiques exposés à Beaubourg jouissaient d’un éclairage naturel incomparable, les fruits et légumes cultivés aux Jardins Suspendus, mille-feuille d’une surface totale de quatre ou cinq terrains de foot, aménagé pile sous un puits de lumière, peuvent pas rêver d’un meilleur ensoleillement. Et le soir – comme ce soir – des millions de leds prennent le relais. Noël avant l’heure !

Le béret se fend d’une salve de couinements de souris à l’intention de la boîte de conserve obèse en lévitation devant le poste de garde. Le bot adipeux nous scanne de haut en bas avant de nous autoriser à passer l’entrée et nous diriger sur le hall d’accueil. Là on est pris en charge par une grande meuf à l’air pincé. Elle est hôtesse diplômée, pas assistante sociale, non mais sans blague ! Dans un sursaut de solidarité humaine, elle nous autorise malgré tout à poser un cul en attendant que le Département des Admissions statue sur notre cas. Ce qui, à l’en croire, devrait pas être long.

Les fauteuils, disposés en cercle autour d’une table basse encombrée de « readers » – ces revues connectées dans lesquelles, avant de mater un article vaguement intéressant il faut faire défiler une bonne dizaine de pubs débiles – s’annoncent hyper confortables. Je me laisse tomber sur un d’entre eux, face à Anthéa. Elle a déjà fermé les yeux, partie dans une de ces micro siestes qui lui rendent toute son énergie.

la suite demain

« MARS 2221, roman », texte intégral (chap 7 : la PMAL)

 

On se tue à vous le dire ! Bon ce matin j’ai pas le temps de lâcher une nouvelle gerbe sur la politique étrangère d’Israël, le petit état courageux qui fait que se défendre contre les femmes et les enfants de ses méchants voisins – hein BHL de poulet ? – ni sur les viandards candidats au cancer du colon. On passe direct à “ MARS 2221, roman ”  !

   7. La PMAL

Me dites pas que vous rêvez pas. Tout le monde rêve. Seuls 0,38% de fortes têtes prétendent le contraire. Ils auraient, paraît-il, un problème d’« encodage du souvenir à la sortie du sommeil paradoxal ». Quant aux Parkinson, prophètes, rockstars, présidents de la république et autres mythos c’est autre chose, ils vivent leurs rêves. Le verrou de sécurité entre leurs pensées et leurs actes a sauté. Le chirurgien Poutine était formel : mes « remontées hippocampiques » à moi, comme il les avait baptisées, ressortaient pas du domaine du rêve. Pas même du rêve éveillé. Du « déjà vu » à l’extrême rigueur, sachant que les recherches menées sur ce phénomène souvent lié à l’épilepsie eussent démontré son absence de rapport avec les aires impliquées dans la mémoire. Nan, selon Poutine, il fallait chercher ailleurs. Un jour il m’avait fait part de sa théorie, me concernant.

– Je dirais qu’en son temps le docteur Legrand a péché par excès de zèle. Soucieux de faire remonter vos souvenirs dans leurs moindres détails, il a en quelque sorte surcompensé vos facultés mnésiques, d’où ces incursions intempestives de votre vie passée dans la présente.

« Excès de zèle » mon cul. Les lecteurs d’Hippocampe Twist savent très bien que l’empressement de Legrand à me remuscler l’hippocampe s’expliquait avant tout par sa volonté obsessionnelle de me faire régurgiter les modalités exactes de la chute de l’étagère. Non content de monnayer mes souvenirs intimes, ce pourri s’était mis dans le crâne de récupérer la formule du « cri du blé ».

– Suite au traitement particulièrement hem… efficace… du docteur Legrand, en contexte de tension ou de stress, que les circonstances extérieures en viennent à présenter une similitude marquée avec une situation dont vous avez gardé l’empreinte mémorielle et vous « basculez ». Vous troquez la réalité objective  contre le fantasme parallèle induit.

Chaque fois que Poutine parlait de « réalité objective », un drôle de sourire laissait entrevoir ses dents jaunies par le tabac. Lui, c’était pas l’étagère qui l’intéressait mais mon nez. Il passait son temps à l’étudier en long, en large et en travers, mon tarbouif. À le radiographier, le scanner, l’imprimer en 3D à différents moments de la journée, continuant à me donner du « Maître » par-ci, du « Maître » par-là.

Les doigts d’Anthéa font des tournicotis avec mes cheveux. Comme s’ils frisaient pas assez comme ça, mes poils de tête ! Je le lui dis. Elle se marre. Nous sentons le camion ralentir. Jusqu’à glisser au pas sur le monorail. On arrive à un nouveau péage. S’ensuit une manip inverse de celle de tout à l’heure. Un volet se lève et le fourgon reprend sa liberté. Nous naviguons de nouveau à un mètre du sol dans un tunnel à deux voies. Soudain dans la lumière du phare, un panneau indicateur : « La Ferrière, 1,5 kms ».

La voix du rabbi nous parvient, plus lasse que jamais. Les trois heures de route non stop y sont pour quelque chose.

– Rassemblez vos affaires, mes amis. Dans cinq minutes je vous largue devant les Jardins.

 

…à suivre dès demain…

 

Taïaut taïaut Retailleau ♫ + « MARS 2221 » (chap 6 : Un gros dodo, suite et fin)

Taïaut taïaut Retailleau ♫ Dernier délire du morveux, « coprince d’Andorre, Chanoine de Latran et Prince des veneurs » (sic) et sa bande de malfaisants : la chasse aux OQTF est ouverte !

Si seulement ça pouvait faire des vacances aux lapins, lièvres, perdrix, perdreaux, faisans et autres adorables petites cailles. J’en avais encore une ce matin sur le rebord de ma fenêtre. Trempée, affamée, apeurée, traquée par tous ces psychopathes en roue libre depuis 15 jours et autorisés, pendant les 5 mois à venir, à massacrer tout être sensible à poils ou a plumes osant vivre sa vie loin de l’enfer des bipèdes et leur Shoah des Animaux.

Que dire de l’Amicale des Libraires Indépendants de leur Volonté, bien décidés à euthanasier au berceau l’impression à la demande en général et «  MARS 2221, roman » en particulier?

Et tiens, puisqu’on en cause :

résumé : en route pour les Jardins Suspendus, le narrateur est, semble-t-il victime d’une nouvelle remontée hippocampique

 – Tranquillou! Les joies de la XM et sa chouette suspension hydraulique !

– Tu vas pas être malade hein son pépère ? Tu vas pas nous dégueulasser le VTT de Poupi ! Comment elle l’appelle déjà ?

On est au début des années 1990. Poupi c’est ma nouvelle compagne. Elle nous a précédés en train 400 bornes plus bas sur la carte pour aérer sa maison de famille perchée sur les hauteurs du Cantal et dans laquelle elle m’a offert de passer l’été. Quand j’ai dit à Bruno J. que j’avais besoin de convoyer deux vélos direction le trou-du-cul du monde, il en a parlé à son pote Bruno B. qui a dit « no problemo ». Bruno B. est un jeunot dingue de vitesse. Bagnole ou moto, du moment que ça speede, il est partant. 

Ma situation professionnelle a pas évolué depuis ma confidence au gars Souchon. Comme il fallait s’y attendre, l’iceberg des goûts merdeux du public a direct envoyé mon « Titanic » par le fond. Je continue à financer mon paquet de chips du soir espoir à la sueur de mes petits doigts agiles. À ce titre, l’année dernière j’ai reçu la visite d’un grand chevelu en Perfecto qui voulait s’initier aux claviers. Encore un à qui j’aurais pu suggérer de faire comme j’avais fait 15 ans plus tôt : tu te payes un « Magnus Electric Chord Organ 391 » en promo chez Tcharfour, tu voles une « Méthode Rose » au marchand de musique du coin et tu t’enfermes dans ta piaule pendant six mois. J’aurais pu mais j’avais un loyer et un pochon de beu hebdomadaire à financer alors j’ai dit « bienvenue à bord, jeune homme ! ». Le mec était cool. Notre relation prof / élève a rapidement viré pote / pote. Quand il est pas à bosser son piano, Bruno J. taquine la basse. Ça tombe bien. La passion de Gilou (le bassiste historique de Chère Crainte) pour le J&B a atteint des sommets, au point de le rendre de plus en plus violent envers son environnement matériel ou humain, pour des motifs presque toujours incompréhensibles. À la dernière répèt’ j’ai dû me réfugier dans les chiottes pour survivre. Bruno suce pas de la glace non plus mais, comme moi, il est surtout fumette. Il s’est bricolé un petit home studio tout confort dans lequel on passe des nuits à enregistrer. Et à se taper des barres non-stop.

– Rose Bonbon.

– Haha ! Rose Bonbon !!! Jar !

Bruno B. dit pas « genre » mais « jar ». Est-ce parce qu’il est originaire du sud de la France (« Genre » => « jannre » => « jar ») ? Ce serait la seule trace d’un accent qu’il a perdu depuis longtemps. Pas comme cette habitude détestable de conduire avec les genoux pendant qu’il chauffe son shit puis prépare délicatement le mélange détonnant, avant de manufacturer à 180 quelle que soit la météo. Bon mais vaseux comme je suis, pas question de m’offrir à œuvrer à sa place et on va pas réveiller Bruno J. « London Calling » à fond les baffles, les phares des bagnoles en face, l’orage, la pluie diluvienne, ça le fait roupiller, Bruno J. ! En me tassant un peu je parviens à me caler en PLS entre Rose Bonbon et Tornade (c’est le nom de mon spad à moi). Un truc pointu me rentre dans la joue. Un pignon de dérailleur, on dirait…

C’est pas un dérailleur mais une boucle de ceinturon. Je me redresse tant bien que mal.

– C’est ce qui s’appelle un gros dodo, ça madame ! Ils sont pas trop raides comme oreiller, les genoux d’Anthéa ?

à suivre demain

 

 

« MARS 2221, roman », texte intégral (chap 6 : Un gros dodo)

Pendant qu’à l’ONU Jobidin et le morveux mettaient au point leur numéro de claquettes et que, partout dans le monde, la Shoah des Animaux battait son plein, j’ai eu le président du Goncourt Boys’ Band en visio. Il a pris un coup de vieux. Sinon il m’a confirmé que chez eux, le cl de graisse de patte dépassait largement mon budget de loser. Bah la gloire attendra. Dommage pour l’Amicale des Libraires Indépendants de leur Volonté qui, leur regard perdu pour la bonne littérature soudain aimanté par l’imparable bandeau rouge, auraient été obligés, cette fois, de parcourir au moins quelques lignes de « MARS 2221, roman »  avant de s’en bricoler dare-dare une pile d’attrape-couillons toujours bonne à écouler en ces temps difficiles.

Couac il en soit, sachez bien, très chers fyreux, que je m’auto congratule au quotidien de relire ce banger avec vous. Et surtout croyez pas que je charbonne de fou pour vous le faire pécho. Vous me verriez chokbar de baisé de croire une chose pareille.

 

Dans l’épisode d’aujourd’hui, au sortir de la messe nos héros s’en vont chercher du boulot.

 6.Un gros dodo

La rampe au fond de la cave-atelier débouche sur la sente du Rognon (en arrivant à l’église, vue de l’extérieur, j’avais trouvé la grille vachement haute et large pour une bouche d’égout). Le rabbi manie son camtar faut voir comme. On cueille le périph’ au bout de la rue des Nébuleuses. La circulation est fluide, on est vite Porte Guillaume Bigourdan. Au péage de l’Interloop, le rabbi passe la tête par sa vitre baissée.

– Un aller-retour La Ferrière s’il vous plaît mon fils.

Le sigle de la Foi Universelle sur le carénage retient l’attention de l’andro encaisseur.

– On descend aux Jardins faire sa provision de légumes frais, rabbi ? Un instant, je vous programme.

Interloop et underspeed fonctionnent sur un même principe, savoir un tube à basse pression à l’intérieur duquel circulent des capsules à propulsion électromagnétique. L’underspeed, entièrement équipé et contrôlé par le MTA (Mars Transit Authority), dessert les zones urbaines et péri urbaines. Ses modules en colliers le font ressembler à un embrouillamini de ténias adeptes de l’auto-fellation. L’Interloop quant à lui, considéré les distances qu’il couvre et le fait qu’il soit ouvert à tout véhicule individuel répondant aux normes martiennes, fait figure de tissu autoroutier. À noter que son creusement et sa gestion sont confiés à des entreprises privées qui s’en mettent plein les fouilles au passage. Rien de nouveau sous le soleil martien.

L’andro pianote la destination du camion sur son clavier puis, ayant rappelé les consignes de sécurité à son conducteur, actionne l’ouverture du sas. On se pose comme une fleur sur le rail-bretelle. L’arrimage automatique ne prend que quelques secondes, checké depuis sa cabine par l’andro qui, satisfait, souhaite bonne route au rabbi et à sa passagère puis le véhicule glisse lentement jusqu’au rail principal. Le temps pour l’IA du péage d’insérer le camion dans le flux serré du trafic et nous voici taillant la route vers la Vendée Nouvelle.

L’arrière du suppositoire est plus spacieux que j’aurais cru. C’est pas le grand confort non plus. Deux banquettes latérales dont le rembourrage a connu des jours meilleurs. Anthéa, assise à côté de moi face aux autres, me surveille du coin de l’œil. Elle me sait claustrophobe. Qu’il en soit remercié, dans son placard ambulant le rabbi a eu la bonne idée d’installer un écran. Relié à une caméra fixée en haut du pare-brise de l’habitacle il permet de voir ce qui se passe sur la route. Les parois du tunnel se mettent à défiler de plus en plus vite dans le phare du camion, jusqu’à atteindre une vitesse de croisière impressionnante. Sur le rail d’en face ça circule pas mal aussi, à en juger par toutes ces lumières qui se précipitent vers nous. Anthéa disait vrai pour le roulis. Le bercement d’enfant sage de l’underspeed c’est que dalle en comparaison.

– Comment ça se passe derrière ?

Bruno B. se fend la gueule, l’enfoiré. Sa voix a du mal à se faufiler entre les basses du lecteur de CD maximum volume et le crépitement incessant de la pluie sur les vitres. Les éclairs déchirent la nuit, devançant chaque fois d’une demi seconde les craquements apocalyptiques d’un orage d’été qui nous lâche pas depuis qu’on a quitté Étampes.

 

à suivre

 

4 syllabes de malheur + « MARS 2221 » (chap 5 : Électromécanique, suite et fin)

J’éprouve un tel dégoût pour le boucher de Tel-Aviv, le simple nom de Nétanyahou provoque chez moi de telles nausées que, rien qu’à entendre prononcer ces 4 syllabes de malheur, je pourrais me vomir entièrement, me retourner comme un sac à patates. Je sais que c’est la même chose pour plein de gens. Hier sur France Info y avait la réalisatrice libanaise Danielle Arbid. Elle disait se sentir « inutile ». Je la comprends. Depuis le temps que des millions et des millions de voix s’élèvent pour dénoncer les horreurs innommables perpétrées par Israël sur ses voisins, soi-disant en réponse à leurs attaques alors que ce sont les sombres magouilles des dirigeants israéliens qui, sous couvert d’affaiblir l’OLP, ont ouvert la voie aux organisations de libération extrémistes. Qui, connement, par leurs attentats abjects, « justifient » une colonisation insidieuse, meurtrière et raciste… Et toujours pas la moindre réaction sérieuse des « puissances occidentales ». On laisse faire… On laisse les gosses se faire massacrer… Encore 50 petits Libanais avant-hier, déchiquetés par les bombes de ces ordures… On laisse faire, encore et encore… T’as raison Danielle, on est inutile…

Ça donne pas envie de bouquiner, j’avoue… Encore que… Allez, faut bien le finir, ce chapitre 5 ! Je me suis tellement éclaté à l’écrire !

résumé : une messe vite fait et on décolle pour les Jardins.

– Ô Tout-Puissant Créateur des Cieux Infinis, que Ta Sagesse inonde de Sa Lumière Inextinguible les misérables pécheurs que nous sommes…

…Ô Tout-Puissant Créateur des Cieux Infinis, que Ta Sagesse inonde de Sa Lumière Inextinguible les misérables pécheurs que nous sommes…

– Il n’y a d’autre divinité que Toi et nous sommes Tes esclaves…

Il n’y a d’autre divinité que Toi et nous sommes Tes esclaves…

– Ô Berger Céleste qui ne dort pas et ne S’assoupit pas, nourris les agneaux qui mangent de Ta main…

Ô Berger Céleste qui ne dort pas et ne S’assoupit pas, nourris les agneaux qui mangent de Ta m…

Anthéa et moi on commence à fatiguer. Les fidèles sont pas beaucoup plus motivés on dirait. La grosse dame à ma droite s’éponge le front sans arrêt. L’église de la Foi Universelle manque de chaises et la prosternation, toujours bienvenue pour soulager les jambes, se pratique uniquement lors de l’office dominical. Heureusement (c’est une des raisons de son succès) le rabbi Lafleur prêche la version « poche » du Torbicovédongba. Un dernier versutra pour la route et l’affaire est pliée.

– Merci de votre attention, allez en paix jusqu’à demain ! Wallalluhiachem Shaktiwang sur vous et vos familles !

Wallalluhiachem Shaktiwang !

Dans un silence recueilli, en prenant soin de virer le plus large possible aux abords du tronc, la trentaine de fidèles dûment bénis s’égayent vers la sortie.

Sauf trois pékins qui tapent l’incruste. Un couple et, un peu plus loin dans la travée, un homme seul qui, lui aussi, semble absorbé dans la contemplation des icônes aimantées (des genres de magnets comme on collait sur les frigos de ma jeunesse). À tous les coups ce sont de futurs compagnons de voyage. Sinon pourquoi le rabbi (qui nous a fait signe de rappliquer, Anthéa et moi) attendrait pas qu’ils aient vidé les lieux eux aussi pour actionner la fermeture du rideau ?

Qu’est-ce que je disais ! Au « clang » du métal sur le béton les retardataires perdent soudain tout intérêt pour la Prophétie Ultime de l’empereur Childéric, la Circoncision Miraculeuse de Jean-Michel 1er ou le baptême de Cheng-le-Têtu sous le pont de la rivière Kwaï. Les voici qui convergent à leur tour vers l’autel. Le couple arrive en premier. Contrairement à ma voisine de prière tout à l’heure la femme est sèche comme un coup de trique, tout en muscles et en tendons. Elle se fend d’un sourire triste que le rabbi lui retourne avec douceur et componction avant de s’adresser à son époux.

– Je propose que madame monte avec moi dans la cabine. Ce sera plus confortable pour elle.

Un instant de flottement dubitatif – le comportement sexuel des gens d’église au cours du dernier millénaire a laissé des traces dans l’inconscient collectif – avant que le regard las du petit homme sans âge au visage taillé à coups de serpe croise brièvement celui de sa femme. Tout bien pesé ils sont d’accord. C’est même plutôt cool de la part du rabbi.

Le keum tout seul nous a rejoints. C’est marrant mais j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part. En route vers la quarantaine proto bedonnante, il fait moins « migrant » que les deux autres.

Le rabbi Lafleur referme son bouquin sacré, remise son étole et soupire.

– Puisque tout le monde est là… En route !

 

la suite demain